- Bonjour, mon nom c'est Victoria, - Et moi, c'est Héloïse. et bienvenue à Une carrière, Une histoire, Une discussion avec Rhodnie Désir. Ceci est une séance d'apprentissage pour le projet Ballet Forward qui est un projet qui rassemble environ 30 étudiants des cinq grandes écoles de ballet professionnel au Canada. C'est un projet qui nous permet d'aborder les questions sur l'équité, la réconciliation et le racisme dirigés vers les noirs dans le monde du ballet, mais plus important aussi, de trouver des moyens pour combattre ces enjeux, ces enjeux, excusez-moi. Nous avons comme but de rendre le monde du ballet et aussi le monde des arts plus inclusif et accessible à toute la population canadienne. Donc aujourd'hui, on a la chance et vraiment l'immense honneur de recevoir Rhodnie Désir. Donc, madame Désir, c'est une chorégraphe documentaire, danseuse et Cheffe de création avec RD Créations, sa propre compagnie. Elle a créé une trentaine de créations et a récemment travaillé avec Danse Danse. Certains de ses projets lui ont valu deux prix de la danse à Montréal, soit le prix Envol et le Grand Prix de la danse. La signature chorégraphique de Rhodnie est liée à ses racines haïtiennes, ainsi que dans le reste des Caraïbes, en Afrique et en Afrique centrale, et en Afrique subsaharienne. C'est un style qu'on pourrait appeler comme afro-contemporain. Rhodnie est une femme incroyable et inspirante et surtout vraiment engagée dans le milieu. Ce style lui a valu une reconnaissance internationale. Merci infiniment Rhodnie d'être avec nous aujourd'hui. Donc, je vais vous laisser la parole pour nous expliquer un peu votre carrière et tout. Merci, merci beaucoup pour cette présentation. C'est vraiment un bonheur d'être avec vous à la fois parce que je peux me replonger au moment où j'avais votre âge et que je rêvais de faire carrière dans le milieu. Comment résumer ma carrière? Je pense que c'est important de ramener le fait que moi j'ai grandi, j'ai dansé dès l'âge de trois ans et ma formation première était le ballet classique. Et par la suite, j'ai voulu aller dans le milieu des arts, mais bien sûr, venant d'une famille haïtienne, la compréhension et l'explication étaient, on veut être sûr que tu vas te débrouiller dans la vie et dans les arts, peut-être que c'est pas par là que le chemin va se faire. C'était comme la conception à l'époque. Donc, j'ai été me chercher une formation en parallèle de ma formation que je poursuivais en danse. Qui veut dire que j'accomplisais deux diplômes en même temps, un en communication marketing, puis un autre en danse à l'époque classique, mais en même temps, j'ai tourné un peu plus ma pratique vers les danses afro-contemporaines comme vous l'avez aussi bien expliqué. Ma carrière, je la résumerais comme étant des milestones, des jalons où ce que je mesure constamment où est-ce que je suis rendue, puis à quoi moi je peux servir, et à quoi ma danse peut servir, et à quoi l'art peut servir. Et j'aime dire que aujourd'hui, ce que je fais, c'est ce qu'on appelle la « chorégraphie documentaire » qu'on pourra parler un peu plus longuement. C'est une méthodologie que j'ai voulu développer pour répondre à l'ambition de ce que j'avais envie de développer. Mais peut-être que dans cinq ans, la danse va me servir à réfléchir à de l'architecture. Puis peut-être que dans 10 ans, ça va me servir à réfléchir au développement d'un nouveau pôle culturel. Je vois la danse comme étant un élément de carrière, comme un outil pour ouvrir des nouvelles portes. Donc, c'est un peu comme ça que je résumerais ma vision de ma carrière. Donc, mais comme vous l'avez mentionné, vous avez dit que vous êtes chorégraphe documentaire. En fait, et moi je sais pas c'est quoi, mais est-ce que vous pouvez expliquer un peu qu'est-ce que ça veut dire ? Vous avez aussi dit que vous étiez Cheffe de Créations la dernière fois qu'on s'est parlé, donc c'est comme deux choses que je voudrais savoir. Oui en fait, déjà ce que je peux dire, c'est que ce que je fais en ce moment là, c'est l'équivalent de ce que je faisais quand j'avais l'âge de sept ans. Quand j'étais jeune, je vivais à Laval, ça, c'est dans une communauté pour tous les gens qui sont en dehors de Montréal là, c'est pas très loin de la ville de Montréal. Et donc moi, je m'intéressais tout simplement à mes voisins, aux humains puis, je voulais comprendre comment l'humain fonctionne. Donc, il y en a qui vont dire que c'est une démarche journalistique, il y en a qui vont dire que c'est une démarche anthropologique. Mais dans tout ça, moi je voulais juste comprendre comment l'humain fonctionne. Puis, j'ai réalisé que la danse et le fait de poser des questions quand on crée, quand on veut créer nous permet d'arriver à des fois à des hypothèses. Donc la chorégraphie documentaire, c'est quoi ? Ça se fait en, je pourrais résumer ça en quatre grandes étapes. J'ai une idée qui vient souvent d'un défi social. Par exemple, si je prends la situation actuellement de déportation qui a eu lieu aux États-Unis, c'est un fléau, c'est un chaos, et puis, ça soulève beaucoup de points d'interrogation et d'injustices, d'iniquité dans le monde. Donc moi par rapport à ça, j'ai le choix de me fâcher derrière mon écran ou de me dire et si j'interviewais différents types de pensées pour mieux comprendre qu'est-ce qui se passe, puis peut-être que mon art pourrait réussir à amener une vision, une hypothèse par rapport à qu'est-ce qui se passe. Donc, je commence par faire des entrevues. J'ai ma question, qu'est-ce qui me dérange? Qu'est-ce qui me donne mal au ventre? Puis, qu'est-ce qui fait en sorte que j'ai envie de crier, d'hurler, puis que je trouve injuste? Après ça, je me dis qui je peux rencontrer? Et que là, je m'en vais rencontrer des spécialistes dans un domaine, par exemple, je prends la thématique, ça pourrait être des sociologues, des politiciens, des travailleurs sociaux, des organismes d'accueil de personnes immigrantes ou des personnes qui sont reliées aux communautés qui sont déportées. Ça pourrait être des familles. Ça pourrait être les gens eux-mêmes qui sont déportés, qui sont en transfert, après des policiers, des policières. Puis à partir de là, moi, ça me permet d'avoir mon sac à dos d'information. Puis mon sac à dos d'information, il y a plein d'outils dedans. Puis ces outils-là, quand je les brasse dans mon sac, je peux remettre une partie de ça à des musiciens, des musiciennes qui diraient, je pense que j'entends un rythme. Puis ce rythme-là, je pense que ça pourrait m'amener vers tel genre de gestuelles, des gestuelles plus circulaires ou des gestuelles plus de poids, de physicalité, d'aplomb, des mouvements plus tranchants parce que quelqu'un m'a dit ça va vite, je suis dérouté. Donc, l'image que j'ai de ces mots-là, c'est tranchant, physicalité, poids, taux de voltige, écoulement par terre, bref. Donc, je pars de mon idée, je pars de la question, j'amène ça dans les témoins, les spécialistes, les spécialistes sont l'humain. Les témoignages m'emmènent vers d'autres créateurs, créatrices, concepteurs, conceptrices. J'amène ça aux interprètes. Puis pendant tout ça, je compose aussi des chants. Donc, je compose des chants en langage inventé. Ce que j'aime dire, c'est un langage, c'est une langue que je ne parle pas, mais que je parle secrètement. Et après ça, j'arrive à la phase de l'œuvre. Cette œuvre-là, c'est une hypothèse que je propose aux citoyens, citoyennes qui deviennent mon public. Donc, la chorégraphie documentaire nous permet de préserver les mémoires des peuples, nous permet d'escaver les défis sociaux à partir de l'oralité. Puis, je reviens dans le fond à un de mes grands amours qui est l'oralité à travers les époques, la tradition orale qui est de se parler, puis de raconter des histoires. Puis je t'ai dit quelque chose, garde-le en secret, ça a traversé les époques. Je pense que ça va battre le AI longtemps. Donc, ça fait en sorte que moi je m'appuie là-dessus, puis après ça, je peux développer mon œuvre et c'est ce que j'ai fait au travers de la plupart de mes œuvres, donc, ça m'a amené à me connecter avec des spécialistes scientifiques en sciences sociales, anthropologie, histoire, ethnomusicologie, ethnologie et j'en passe. À me connecter à des spécialistes en l'environnement par rapport aux changements climatiques comme on a demandé. Ça m'a amené à me connecter à des spécialistes comme en ce moment, ça va être la théologie, [l'anthologie] astrophysique. Donc là, ça, comment est-ce que le corps le déploie en chorégraphie documentaire? C'est d'être à l'écoute, puis d'essayer de mettre son corps à disposition avec son savoir. C'est tout ce que je peux dire. Donc voilà, là j'ai parlé beaucoup, mais en gros, c'est ça la chorégraphie documentaire, je ne sais pas si c'est clair. J'ai vu des vidéos vous avez fait une chorégraphie sur le cœur. Oui. J'avais trouvé ça vraiment beau, mais je pense ça, c'est de la chorégraphie documentaire si vous avez vraiment représenté pas le coeur dans le genre comme ça mais là vraiment, le cœur humain en mouvement. J'ai vu des vidéos, mais j'ai trouvé ça vraiment beau. Mais ce qui est vraiment intéressant. En fait, ce que je trouve fascinant avec les chorégraphies documentaires, puis pour de vrai, je pourrais faire ça toute ma vie. C'est la chose que je me dis. Je peux avoir 90 ans, puis me demander encore comment on va faire pour expliquer à des gens, des défis de jeunes qui ne trouvent pas leurs repères par exemple. Ou un enfant de cinq ans qui vit la malnutrition mais qui doit quand même aller à l'école, son histoire de résilience, comment on la raconte. Donc, ce qui est intéressant avec l'histoire du cœur, [la symphonie] de cœur, c'est que moi, je me suis toujours dit, je vais jamais créer une pièce sur l'amour parce que je pense pas que j'ai grand-chose à dire, puis, ça m'épate pas tant que ça comme thématique. Pas parce que j'aime pas l'amour en lui-même, mais parce que je ne voyais pas, il était où le nœud que j'avais envie d'adresser. Et quand je me suis intéressée aux maladies cardiovasculaires et aux histoires de résilience que les gens vivent et comment dans le corps, le cœur et tout le système cardiovasculaire qui est directement relié à la danse fonctionne. Et en rentrant dans des salles d'opération, puis en voyant des cœurs ouverts, puis en voyant le système qui bouge, puis en voyant comment les les équipes dans les salles d'opération fonctionnent, c'est des chorégraphies sous nos yeux. Je suis sortie de là en ayant plein de matières pour ensuite de se diriger également avec la cheffe d'orchestre des orientations pour les orchestres en disant, là ils vont jouer avec plus d'aplomb parce que dans la salle quand les instruments tombent, j'ai besoin qu'on crée un vrai chaos pour que ça soit placé. J'ai pu retracer la transplantation cardiaque, c'est quoi vraiment le vide et j'ai pu dire aux musiciens, ça fait peut-être 40 ans que vous jouez la même chose super bien, mais là j'ai besoin que vous fassiez comme si vous ne savez plus comment jouer parce que la transplantation cardiaque, c'est ça, comment on te met un nouveau cœur dans ton corps, ton corps déraille, et puis, tu as beau avoir la meilleure technique du monde, faut que tu enlèves tout ça d'un coup, puis tu repars à zéro. Donc ça, c'était un défi aussi pour les musiciens. C'est que la chorégraphie documentaire en d'autres mots pour arrêter de parler de ça, mais pas pour parler longtemps, c'est vraiment un outil qui nous permet de mieux mettre à défi la danse, de mieux mettre à défi le pouvoir de l'art, puis de mieux mettre à défi où est-ce que l'humain se trouve aujourd'hui dans la société. C'est vraiment fascinant. Oui, mais c'est clair que vous êtes très présente et involved avec tous les problèmes sociaux. Est-ce que vous personnellement, il y a une raison ou il y a une histoire que vous avez pour laquelle vous êtes tellement intéressée dans les problèmes qu'on a dans notre société aujourd'hui, quelque chose de personnel qui a vraiment comme fait naître cette envie de rechercher et de créer? Oui, en fait, je pense que je pourrais nommer qu'en 2014, j'ai commencé la méthodologie chorégraphée en 2015. J'ai officiellement commencé la méthodologie chorégraphique documentaire. En 2013, j'ai créé une pièce qui s'appelle BOW'T qui parle de migration, déportation. Puis, je voulais faire le pont mythologique entre ces deux thématiques-là. Et quand est venu le temps de faire circuler l'œuvre BOW'T, ici à Montréal, au Québec, mon agente et moi on s'est butés à des barrières systémiques qui se traduisaient comment? Par principalement, c'était la danse que Rhodnie fait, elle est très traditionnelle, alors que j'ai jamais fait de danse traditionnelle dans mes œuvres créées. J'ai pris des cours, mais ça n'a rien à voir avec ce que je présente. Donc, j'ai réalisé qu'il y avait vraiment un grand défi dans la compréhension, puis il y avait beaucoup de freins qui étaient mis au-delà de l'analyse de l'excellence de mon œuvre. Est-ce qu'elle est excellente ou pas? Puis la compréhension de c'est quoi l'excellence d'une œuvre dans un langage qui n'est pas en ballet classique ou en danse contemporaine neurocentrique? Comment la danse contemporaine, elle est vulgarisée? J'ai vu qu'il y avait des barrières, qu'il y avait encore beaucoup d'éducation à faire. Donc, j'avais envie de quitter le milieu. Je ne me voyais plus du tout dans le milieu. Il y a quand même une belle bouée de sauvetage qui est arrivée, que j'appelle comme une idée de développer un projet dans lequel j'avais démontré à quel point les cultures africaines et afro-descendantes sont purement contemporaines. Et même si elles sont nommées, même si elles sont ancestrales, elles sont contemporaines parce qu'elles se conjuguent directement avec les gens dans le moment présent qui la crée et qui la renouvelle. Donc j'ai créé BOW'T TRAIL. BOW'T TRAIL, c'est un parcours de mémoire dans les Amériques qui m'a emmené sur sept territoires des Amériques à recréer à chaque fois la même pièce. Puis quand je dis recréer, c'est que j'ai l'œuvre BOW'T. Il y a comme les muses sur scène, il y a mon corps, il y a un musicien, puis il y a trois boîtes de bois. Donc, ces trois boîtes de bois m'ont suivie en Martinique, en Haïti, au Brésil, en Nouvelle-Orléans, au Mexique, à Halifax et [Chojag] et Montréal. Et donc j'ai pris la même œuvre, puis je me suis dit et si je me donnais 30 jours pour la recréer de A à Z avec les musiciens et musiciennes locaux. Puis en même temps, je ne connais pas les musiciens et musiciennes. Je ne sais pas si on va s'entendre. On parle même pas les mêmes langues, je parlais pas portugais. J'ai baragouiné quelque chose pour essayer de dire : « Est-ce qu'on peut développer ça, voici mon idée au Brésil? » Ils me disaient : « Reviens, on sait pas quelle langue que tu parles. Là, on a un show dans deux semaines, puis on ne comprend pas, mais de par ta gestuelle, je pense qu'on se comprend. » Donc, la danse m'a m'a ouvert des portes finalement à parler des langues que je ne parle pas, puis à réussir à créer. Puis au bout de 30 jours, je présentais dans un lieu de mémoire mon œuvre. Et l'œuvre BOW'T qui est créée dans chacun des pays ne va jamais circuler, pas dans ma vie, pas dans ma mort. C'est déjà dans mon testament, ça ne peut pas circuler. La seule œuvre qui peut circuler, c'est BOW'T TRAIL Retrospek qui est l'œuvre en fait où le territoire, c'est mon corps. Et donc, en retraçant la mémoire et l'histoire des peuples afro-descendants dans les Amériques, j'ai effectué des entrevues avec des spécialistes sur chacun des territoires. Puis là, j'ai réalisé que c'est vraiment trippant. C'est dur de faire le BOW'T TRAIL, mais il y a quelque chose de beau, de croustillant dans le fait de rencontrer des gens, puis de rentrer directement au studio, puis de créer à partir de ces témoignages-là et non pas de plonger dans des livres d'histoire qui encore une fois, l'histoire est mal racontée dans les livres d'histoire sur les questions africaines, afro-descendantes, du moins est en train d'être réécrite, mais elle a malheureusement été mal écrite. Donc, qu'est-ce qui me pousse aujourd'hui à continuer la chorégraphie documentaire? Parce que je vois que c'est un outil de changement social, possible de changement social. Qu'est-ce qui me pousse à créer face aux injustices? Moi, j'ai grandi dans une famille où ce que la question du droit était discutée à la table à manger. Mes parents sont venus au Québec durant l'époque de Duvalier, Duvalier père. Donc, c'est sûr que la radio haïtienne et la radio québécoise, et la télévision américaine étaient ouvertes en même temps chez moi. J'entendais les défis d'un peu partout et mes parents nous emmenaient à parler avec appelons des défis, puis à essayer de les résoudre à la table. C'est comme si on prenait l'enjeu de la Colombie puis on se disait, ah on n'est pas d'accord qu'est-ce qui se passe ? Puis là, on on débattait à table, donc, j'ai été entraînée à réfléchir à comment en tant qu'être humain, on a un rôle dans les décisions qu'on prend, mais également à être au fait des iniquités sociales que ce soit au niveau de la hausse flagrante de l'itinérance et de profils de gens qui habituellement n'étaient pas reconnus comme étant des personnes itinérantes, mais qui du jour au lendemain en raison de la situation des logements se retrouvent dans cette iniquité. Donc pour moi, je repère rapidement les situations d'iniquité quand elles sont nommées, même quand elles ne sont pas nommées aussi. Et je me suis toujours dit que l'art est une arme extrêmement puissante et que si je fais usage de cette arme-là, il faut que ça soit pour faire chavirer quelque chose qui a le même poids. Ça, c'est ma devise à moi. Ça ne veut pas dire que je ne vais pas être amenée à créer des œuvres pour le plaisir, mais je veux vraiment, je veux qu'il y ait une cause à laquelle je réponde. Ça, c'est pour moi, c'est mon art. Donc là, on veut comme un peu changer de sujet si ça vous dérange pas parce qu'en fait Ballet Forward, c'est basé sur le racisme anti-noir, donc le but du projet, c'est d'ouvrir les mentalités et tout. Puis je voulais savoir si le ballet est ancré en Europe sur des bases conservatrices et traditionnelles il y a longtemps. C'est qu'un ore qui peut discriminer puis exclure beaucoup de communautés. Puis est-ce que le racisme est quelque chose, si vous êtes à l'aise d'en parler, c'est quelque chose que vous avez déjà senti ou vous avez déjà vécu encore et toujours dans le milieu et avant aussi bien sûr. Je pense que la base, il y a beaucoup de layers là-dedans. Ce qu'il faut se rappeler, c'est que le corps est un des instruments les plus magnifiques pour se rallier et un des instruments les plus drastiques et épouvantables pour nous discriminer. Et étant dans un milieu, donc la danse où ce que le corps, c'est l'outil principal, malheureusement, que ce soit en ballet ou dans d'autres formes, il y a le regard et la perception qui deviennent un outil de mesure. Donc, qu'est-ce que je perçois de la capacité d'un corps avant même qu'il bouge? Est-ce que je sens qu'il rentre dans les catégories que ma pratique défend ou ma pratique dit? Je prends un exemple. Quand j'avais 11 ans, j'avais passé plusieurs auditions parce que je voulais rentrer dans un profil programme études dans cette étude-là. Donc à l'époque, il y avait dans votre école qui auparavant m'ont dit quel nom ça portait l'école... supérieure. Danse? Non, il y avait un autre nom, je vais trouver... je ne sais plus le nom, mais il semble qu'il y avait le titre École supérieure de... [Inaudible], bref. Cette école, j'avais appliqué comme la plupart des jeunes filles qui appliquaient [derrière Laporte], donc surtout des filles. Puis j'avais appliqué aussi à l'école [Laporte]. Et quand j'ai reçu, c'est sûr que je voulais faire partie de la première école de laquelle j'avais appliqué. Quand j'ai reçu ma lettre de refus, ma lettre de refus ne me disait pas juste que j'avais eu un refus. Elle analysait mon corps selon des stéréotypes de qu'est-ce que le ballet devrait avoir. Et donc pour de vrai, je pense que j'aurais dû garder ma lettre, elle décortiquait mes muscles, que mes muscles de jambes étaient trop larges par rapport à l'esthétisme qui était souhaité, que mes rondeurs ne répondaient pas aux cas d'esthétique, c'était mais d'une horreur, ce que j'avais reçu, et je suis convaincue qu'aujourd'hui, c'est pas le genre de lettre qu'on envoie parce que les époques ont évolué et qu'il y a beaucoup d'éducation qui a été faite Mais cette lettre, quand je l'ai ouverte, moi j'attends la poste. Je vois le facteur qui arrive, j'ouvre ma lettre, je suis comme toute excitée. Puis, c'est une chape de plomb qui est en train de sculpter d'une nouvelle façon qu'est-ce que moi je devrais avoir comme corps. C'est comme si on disait aux jeunes personnes qui veulent devenir danseur ou danseuse, prends un magazine, regarde ce corps-là, puis rentre ton corps dedans. Mais si tu ne fit pas, you're out. Et étant dans un milieu où ce que l'excellence, mais surtout je dirais l'exigence, l'acharnement qui peut être positif là, à vouloir atteindre une perfection, à se surdépasser. Quand tu es très jeune et puis que tu as déjà été entraînée à ça, quand tu reçois une lettre comme ça, qui te dit, va sculpter ton corps autrement. Tu corresponds pas aux codes culturels qu'on veut dans le ballet. C'est même pas une question de hauteur ou autre. C'est vraiment ton corps, il va jamais « fitter ». Et je me rappelle avoir été en miettes à ce moment-là. Heureusement qu'il y avait Laporte qui faisait ces auditions pas très loin après, puis que j'ai été sélectionnée, mais je me rappelle encore être assise pendant mon temps d'été avec les autres personnes de ma classe, puis qu'on se racontait ce qu'on avait reçu de cette école-là comme lettre. Donc ça, je considère que c'était oui, des actes de discrimination sélective de par la physionomie culturelle que je portais et non pas son accomplissement en termes de gestuelle, d'excellence, son background d'apprentissage du ballet classique. Tu n'es pas sur un outil de mesure comparable par rapport à l'expérience d'apprentissage. C'était basé purement sur de l'esthétique. Et ça, pour moi, ça a été un des grands freins que j'ai vu parce que je ne me voyais pas, alors que j'étais bien souvent la seule personne noire dans mes classes. Je ne voyais pas ces discriminations jusqu'à ce moment-là et par la suite au secondaire, mais c'est certain que l'attribution de certains rôles, les grands rôles, je n'y accédais pas nécessairement parce que c'était assez rapide qu'on écartait la possibilité. Ce qui était aussi chavirant malheureusement en ballet, c'est que souvent ton corps dans le corps de ballet, là, on ne te le dit pas, mais des fois ça peut être sournois. Si on te prend puis qu'on te dit, va de noveau au bout, tu sais, va au bout. Là, tu te dis, première œuvre, je vais au bout, deuxième œuvre, je vais au bout, troisième œuvre, je vais au bout. Toutes les œuvres, je me mets toujours au bout dans toutes les photos que je regarde, j'ai été toujours mis au bout. Qu'est-ce que je viens déranger dans le corps de ballet? Est-ce que c'est parce que je viens de débalancer la photo ? Ou est-ce que c'est vraiment parce que mon rôle devrait être à droite tout le temps? Et tant on peut le voir facilement pour même des photos officielles d'autres domaines. Donc pour moi, c'était comme la chose qui venait tout le temps me soulever un questionnement notamment en ballet. La question sur l'ouverture, j'ai eu des conversations aussi, sur l'ouverture dans le corps. Ah mais tu sais dans le fond, c'est correct, est-ce que tu peux être juste à ce niveau-là? Puis, je me disais mais non, je peux travailler mon extension, c'est pas que je peux pas. Donc, ce sont des petites semences d'information qui pendant que le piano joue, puis qu'on entend « And one and two », puis [qu'on respire pour voir], etc., que cette information aussi vient de se placer au même moment qu'un ajustement de posture. Et ce qui se passe, c'est que c'est sournois mais ça vient malheureusement sculpter qu'est-ce que toi, tu as comme perception de ton corps, là, tu veux faire plus, plus, plus, plus, plus que la personne devant toi ou qui est derrière toi dans l'exercice de la barre par exemple. Donc ça, ce sont des petites choses qui font en sorte que comme d'autres personnes dans ma classe qui sont passées par là, j'ai toujours fait plus, plus, plus. Puis même quand les classes terminaient, je restais en classe, puis je faisais plus, plus, plus pour pouvoir répondre non seulement à la note qui a été donnée dans la classe pour tout le monde, répondre à mes propres notes à moi, puis faire mieux parce que faut que je fasse mieux. Donc ce que ça amène, c'est que tu n'es jamais à ta place. Et je me rappellerai toujours, j'ai eu une professeur un jour, Marie-Rose Chama, à qui je parle encore qui est venue me voir un jour puis qui m'a dit Rhodnie, faut que je te raconte qu'est-ce que tu risques de vivre. Et cette femme est d'origine libanaise, puis, elle m'a pris à part, puis, elle m'a dit : « Là, tu vas vivre des barrières, tu vas vivre du racisme dans le milieu, puis, il y a différents marchés, là, tu vas rentrer dans des auditions bientôt. Puis, je veux juste te préparer tout de suite. » Et cette femme-là, pour moi, je ne comprenais pas à l'époque, je me disais pourquoi elle me dit ça? Mais non, je suis correcte. Mais elle me préparait à qu'est-ce que le ballet me présentait. Et qu'est-ce qu'on ne me disait pas à haute voix, mais elle a eu le courage de me le dire très clairement. Et c'est par la suite que justement, j'ai choisi d'autres formes artistiques parce que moi, ça répondait vraiment à ce que je voulais, mais c'est certain que se faire dire : « Là quand tu montes sur les pointes, tu n'as pas une ligne parfaite parce que on le sait, ton corps est fait différent. » Ce sont des petits ajustements, mais comme on sait que dans le ballet où la danse, c'est des constants ajustements qu'on veut tout le temps être tellement sur la ligne en perfection avec l'ensemble, puis vraiment faire un grand corps ou être soliste, ça fait en sorte qu'on est mis à l'écart. Donc voilà, ça c'est une longue histoire, mais que je peux en raconter plein d'autres comme ça. Après d'avoir tout partagé avec nous ça, j'ai une question et une question aussi qui vient de [mes pairs] : pour les gens qui sont, je ne sais pas si dans la même situation, mais qui partagent un sentiment de rage ou de tristesse ou de sentir qu'ils ne vont jamais être à leur place, avez-vous des avis que ce soit des conseils, des conseils comme je ne sais pas si c'est plus dans le genre personnel ou d'essayer de comprendre le monde de la danse ? Mais oui, juste des conseils à partager. Je pense que la colère, elle est valable dans ces moments-là. Puis souvent, on va vouloir parce qu'on apprend à être... et je pense que dans le ballet, moi, c'est qu'est-ce que ça m'a appris entre autres ? Puis après ça dans d'autres formes, j'ai appris autre chose mais tu sais la retenue, la politesse, on ne dit pas trop, on monte pas trop, monte pas, monte pas, tu sais. S'éduquer, c'est la meilleure des choses. Il faut s'éduquer. S'éduquer, parler avec différentes générations. Moi, j'ai parlé avec, et je parle encore, j'ai encore des mentors et j'arrêterai jamais d'avoir des mentors. Puis oser cogner à la porte d'une personne que tu sais même pas cette personne-là a peut-être eu ce vécu-là, mais te dirais, toi-là comme il y a 10 ans, puis il y a 20 ans, puis il y a 30 ans, est-ce que ça se pourrait que tu aurais vécu ça? Puis, est-ce que tu pourrais m'en parler? Partager, ne jamais douter de son instinct. Tu le sais quand il y a une discrimination, il y a pas de millions de chemins là. Et souvent on te fait dire, non voyons donc, t'exagère. Et moi ce que j'ai appris, c'est quand ton petit instinct te dit que c'est une discrimination, disons que 95 % du temps, c'est ça. Et peut-être il y a eu un 5 % où je me suis dit, oui, j'avoue que ça peut-être, que j'ai été un peu vite dans la chose. Mais le fondement d'une discrimination surtout sournoise, sournoise étant, on ne te le dit pas dans ton visage, on ne te le dit pas directement, mais ce sont dans les actions que tu t'en rends compte. Ça peut être à la fois sur t'asseoir à une table ou s'asseoir quelque part puis la place se comble, puis t'as plus de place, donc là, tu sais plus trop où te placer. Ça peut être dans l'attribution de certains rôles. Puis, moi ce que j'ai appris, c'est de confronter intelligemment, puis, c'est pas toujours facile, c'est pas encore facile de le faire. Mais la conversation, une fois que tu t'es affirmée, est souvent un outil redoutable. Et d'oser questionner sans chercher de réponse, oser questionner l'adversaire je dirais ou oser questionner la personne ou les contextes. Puis quand c'est une situation collective, parce que ça arrive aussi que ce soit collectif, malheureusement, c'est de faire stop sur le temps, puis de dire : « On a besoin de se parler. Puis là, vous avez besoin d'ouvrir vos oreilles, vous serez vraiment pas content de ce que je vais dire. Mais il va falloir qu'on fasse un miroir de la situation. Puis, vous n'aimerez peut-être pas mon miroir, vous serez peut-être pas content ni même d'accord avec mon miroir, mais j'attends pas une réponse de vous aujourd'hui. Je vous demande juste de comprendre qu'il y a peut-être un miroir quelconque. » Puis c'est de prendre son courage, puis de le présenter. Puis des fois, ça fait son chemin pour les personnes. Il y a eu vraiment de magnifiques histoires de réconciliation, de rencontres, de respect, d'excuses qu'ils t'ont faites et ça j'y crois. L'être humain, tout comme les autres espèces, est amené à s'adapter et est amené à évoluer. On n'est pas contraire aux autres espèces. Après ça, il y a du monde qui sont durs. Bon, mais tant que les choses se font dans le respect, puis des fois, c'est bon de laisser passer du temps. Et moi, j'ai laissé passer sur certaines choses et je restais sans dire un mot pendant plusieurs années, pas parce que je ne voulais pas dire mot, pas parce que je dis pas un mot devant les gens que je ne fais rien en arrière. Et je pense que le BOW'T TRAIL en est un exemple. Quand c'est sorti, le web documentaire de 75 vidéos qui m'ont dit que j'en ai encore des vidéos qui ne sont pas encore sorties que j'ai juste hâte de sortir. Quand Radio-Canada m'a annoncé trois jours après que j'avais accouché de mon petit qui prenait un web documentaire, la websérie et un moyen métrage, je tenais mon enfant, puis je disais à mon équipe : « Est-ce que vous me laissez un peu genre une semaine, je viens d'accoucher. » Puis, je m'attendais vraiment pas à ce qu'on ait trois projets en même temps qui sortent à radio Cannes. Alors que j'avais vraiment peur de ne pas être capable de sortir tout ce que j'avais récolté au travers des années parce qu'il n'y avait aucun diffuseur qui disait oui. On se faisait dire non, que ça n'allait pas intéresser les gens, puis que c'est ça. Donc, je crois profondément dans la conversation, mais dans son temps. Puis quand je dis dans son temps, c'est que pas tout le monde qui est rendu à converser. Il ne faut pas se forcer soi à converser. Puis même quand il y a une situation de discrimination, puis d'aller, on va s'asseoir, on va parler. Si tu n'es pas prêt, tu n'es pas prêt. Puis, tu as le droit de pas être prêt. Puis les discriminations, c'est des scars dans l'âme. Ça reste bien souvent pour la vie. Et cette profondeur-là, si c'est moindrement saisi par les gens, ça va leur permettre de comprendre pourquoi il n'y a pas de conversation, pourquoi ça peut prendre cinq ans, six ans, sept ans, pourquoi il va y avoir une distance et pourquoi rendu au moment de se parler, ce sera le bon moment. Donc se rencontrer, se laisser du temps, s'éduquer, lire, voir des documentaires, parler avec des gens. Je pense qu'on va être dans nos dernières questions, je vais parler encore un peu de vos créations, puis, on avait pensé tout à l'heure, on avait dit, comment est-ce que vous abordez justement les racistes et les enjeux comme ça dans vos créations? Je sais que vous nous avez expliqué comment vous faisiez un peu avec le la chorégraphie documentaire, mais vraiment, on parle de racisme et si vous en avez déjà fait une, comment vous êtes basée, est-ce que vous avez comme sur quoi, est-ce que c'était sur votre passé, sur des témoins? Ce qui est intéressant dans la chorégraphie documentaire, c'est que c'est jamais à propos de moi. Je peux partir d'un vécu, je pense que comme n'importe quelle personne, on est biaisé sur un sujet parce qu'on a un vécu. Puis la beauté, c'est que le parcours du BOW'T TRAIL parce que mes œuvres parlent pas toutes de racisme et de discrimination. Même le BOW'T TRAIL, c'est un parcours, oui qui parle de la traite négrière, qui parle des discriminations, mais qui met de l'avant et les 15 musiciens avec qui j'ai travaillés à travers le monde, ça met de l'avant la force de résilience, la force de recréation culturelle. Je veux dire c'est quand même assez fascinant qu'aujourd'hui, aujourd'hui là, on est capable, on est même pas capable en fait de nommer tous les rythmes et tous les mouvements musicaux du monde qui existent basés sur les rythmiques africaines, afro-descendantes parce qu'au moment où on se parle, il y en a plein d'autres qui vont en train de se faire, qu'on est même pas au courant. Puis, je prends un exemple quand j'étais au Brésil, il y a ce qu'on appelle le Passinho. Puis le Passinho, c'est les jeunes des favelas qui sont venus me parler de ça. J'étais dans un musée qui s'appelle El Museo de los Pretos Novas, à Rio de Janeiro. Ils étaient assis avec des chercheurs, puis on parlait, puis, je parlais de ma recherche. Il y a une dame silencieuse qui m'a dit, moi, je suis avocate, je suis aussi danseuse, Carolina Perez, j'étais la seule avocate noire dans mon université, puis, j'ai lancé un mouvement qui permet aux jeunes de se mobiliser plutôt que d'utiliser des armes. Puis à l'époque, c'était chaque... je pense que c'était chaque 30 minutes. Oh mon Dieu, il faudrait que je revoie la statistique. Chaque 23 minutes, il y a un jeune noir qui meurt en raison de racisme systémique au Brésil, puis ça, c'était en 2016. Donc cette situation-là, elle m'a dit moi, j'ai des jeunes, puis, ça se peut qu'il y en ait un qui part un moment donné parce que la police a décidé autrement de sa vie. Puis quand je suis arrivée au Brésil, il y avait une manifestation de mères, afro-descendants et autochtones qui marchaient côte à côte pour lutter contre les discriminations raciales. Quand on dit parler de racisme dans ses œuvres, pour moi, c'est plutôt de donner voix à ces femmes qui ont marché dans la rue, de donner voix à ces jeunes qui m'ont parlé du Passinho, qui me disent, nous on danse à pieds nus dans la favela pour dire qu'on existe encore. Puis comment je leur ai donné une voix dans l'œuvre, j'étais tellement en larmes quand ils m'ont raconté leurs histoires que moi normalement, c'est un solo, puis, je leur ai dit, je ne peux pas danser un solo. Je ne peux pas, ça serait ne pas vous écouter. Ce qui fait qu'à la moitié de mon œuvre quand je vais ouvrir mon message, parce que j'ai toujours un message dans mon œuvre, mais j'ai besoin que vous débarquez de l'audience puis que vous veniez sur scène et que faites ce que vous voulez, on n'est pas dans quelque chose d'excellence, perfection, on est dans l'excellence de dire aux gens que vous existez, puis ça se peut que vous ne soyez plus là. J'aimerais que vous veniez prendre parole dans mon œuvre, puis, vous en faites ce que vous voulez, ça vous appartient. Donc pour moi, c'est ainsi que je parle. C'est ainsi que je donne voix parce que je fais des ponts avec des réalités. Puis ces jeunes-là, on s'est reparlé, ils avaient les larmes aux yeux, ils me disaient : « Rhodnie, tu as compris notre réalité, tu as compris ce qu'on vit. » Puis pour moi, je suis contente parce que j'ai pu montrer aux gens que j'existe, mais on n'est pas dans applaudir une œuvre parce qu'elle est belle ou pas. On est dans des questions de vie ou de mort. Et c'est ça finalement, le BOW'T TRAIL aussi. Donc, le BOW'T TRAIL raconte ça. Puis, comment je retrace ces images-là, c'est dans la pesanteur que ça réside dans mon corps. Donc, quand je danse BOW'T TRAIL Retrospek, je vous mettrais même au défi d'apprendre un extrait de BOW'T TRAIL Retrospek. Tu as besoin de ressentir les 140 témoignages dans ton corps qui parlent en même temps, puis un geste, c'est 140 voix en même temps. C'est ça le poids de BOW'T TRAIL Retrospek. C'est pour ça que je l'adore [ce soir]. Donc, aborder les questions d'iniquité, c'est accepter de mettre son corps dans un four à Braun. Comme ça, oui. On est loin de l'esthétisme. On enlève pas l'esthétisme. Mais tu sais, danser, ça va au-delà de se dire, je veux atteindre ça. Qu'est-ce que tu portes en toi comme message tellement fort qu'il faut absolument que tu le passes à quelqu'un d'autre. Moi, c'est c'est ça qui m'intéresse dans mes œuvres. Voilà, je m'arrête là. - C'est super inspirant, merci beaucoup. - Rhodnie, merci. Merci beaucoup. Juste dernière question pour conclure un peu la discussion, vous travaillez sur quoi en ce moment? Des projets, des choses comme ça? Oui donc en ce moment, c'est vraiment mon beau bébé, donc en ce moment, je mets à jour enfin quelque chose que je veux développer depuis 10 ans qui est un laboratoire chorégraphique documentaire qui veut dire que RD Créations ayant développé une expertise aujourd'hui en chorégraphie documentaire, on lance maintenant deux laboratoires en même temps, ça veut dire qu'on développe nos œuvres en forme de prototype, un peu comme des ingénieurs qui font de la recherche développement. Nous, on fait du prototypage d'œuvre pour voir tout le potentiel autour de l'œuvre à la fois au niveau des partenaires, des costumes, de la danse, d'éclairage. Donc, on vient d'entrer deux prototypes de création pour nos deux sujets. Le premier s'appelle SCÒ. SCÒ aborde la question des scolioses. Moi, j'ai une scoliose. Et puis, quand on parle de résistance en équité, j'ai une scoliose, puis j'ai failli me faire opérer. Mais j'ai quand même continué de danser. Donc, SCÒ aborde la question de toutes ces torsions psychologiques et physiologiques que les jeunes filles adolescentes ont à porter jusqu'à l'âge adulte. Et puis, je dis jeune fille parce que c'est principalement 90 % sinon plus de jeunes filles qui portent. Et ça va devenir en ce moment une installation numérique avec performance et performance musicale. Puis en fait, on travaille également prochainement, donc là, je commence là en ce moment ma recherche par rapport à KÒSA. KÒSA en créole, ça veut dire ce corps-là et on aborde la question de la mort racontée à partir des enfants et à partir de spécialistes en astrophysique, en théologie et en dermatologie. Wow! Est-ce que c'est un petit peu par rapport, mais est-ce que vous avez des endroits où vous les présentez ou ça va être sur internet, est-ce que vous savez encore...? En fait, la beauté, c'est que quand on embarque dans un laboratoire chorégraphique documentaire, on se donne la liberté de ne pas savoir qu'est-ce qui va sortir, puis c'est ça qui est le fun. Par exemple, SCÒ, j'étais convaincue que ça allait être une œuvre de groupe avec peut-être quatre, cinq interprètes, puis on allait avoir des objets scénographiques sur scène, puis les musiciens avec qui on travaille, le groupe Aukan à Toronto, on se dit OK, ça va être une œuvre sur scène. Et au bout de 36 heures de création en laboratoire avec scénographe, vidéaste, coordonnatrice d'éclairage, les témoignages que j'ai récoltés de Saint-Justine, de chiropraticiennes, beaucoup de monde. Et avec l'Université de Montréal en partenaire aussi. À la fin, j'ai réalisé que ce n'était pas un show de danse sur une scène régulière, que le message devait se canaliser dans une installation audio, numérique, projection et performance de temps en temps, ce qui veut dire que notre nouveau marché devient des musées. Donc, RD Créations a déjà monté une exposition, l'exposition Conversation, mais là on va faire notre deuxième itération en installation numérique, puis ça va être le projet SCÒ. En fait, on est pile poil là-dedans en ce moment, ce qui veut dire que la danse, puis la chorégraphie documentaire nous emmène vers autre chose. Et en ce tenant cette liberté-là, si on avait scellé tout de suite avec un diffuseur en danse, là, on serait mal pris pour lui dire, finalement sais-tu quoi, c'est pas un show de danse. Le show de danse arrive dans la performance de l'installation numérique qui devrait être dans un musée. Tandis que maintenant, on est capable vraiment d'avoir une vision encore plus claire, une proposition plus posée, puis une capacité d'aller rallier des partenaires qui vont être d'autant plus orientés vers ce qu'on veut faire. Puis pour KÒSA, moi, j'imagine que c'est mon prochain symphonie parce que c'est quand même une œuvre qui risque d'être assez grosse en raison des trois grands sujets qu'on aborde. Et puis c'est une œuvre qui s'en va en 2028, 2029. Donc, on travaille sur des trois ans, notre compagnie, nos créations sortent pas ou peu, le plus tôt c'est deux ans et demi, deux ans et quelques de travail, mais la chorégraphie documentaire demande trois ans de travail. Il faut vraiment, vraiment avoir une bonne documentation, un archivage pertinent, les partenaires ralliés, une chorégraphie où ce que la signature, elle est d'autant plus pointue. Puis il ne faut pas oublier la polyrythmie pour RD Créations puis dans le langage, la chorégraphie documentaire qui est vraiment important. Si on veut que le langage de corps soit vraiment fort, il faut que le langage musical aussi soit écrit en même temps que le langage de corps. Donc ça, c'est un autre corps qu'on pourrait parler longuement là, c'est quoi le lien corps musique, corps instrument. Oui, le rôle du musicien ou de la musicienne en tant qu'accompagnateur, accompagnatrice en dehors de la classique parce que c'est tout un univers dans la polyrythmie. Super inspirant, c'est vraiment inspirant. Puis, merci beaucoup de nous avoir donné de votre temps pour discuter, discuter comme ça, c'est vraiment intéressant. Ah ça fait plaisir, mais j'ai une question pour vous. Oui. J'aimerais savoir aujourd'hui vous regardez, tu sais, le milieu de la danse puis vous avez vos rêves, à quoi vous rêvez? Je pense que de toucher les personnes parce que je rêve d'être sur la scène, mais plus que de m'impacter moi, je veux impacter ceux qui sont autour de moi. Alors je pense que tout ce que vous nous avez expliqué aujourd'hui, vous avez partagé avec nous, c'est inspirant parce que ça me confirme que c'est possible de toucher des centaines et des milliers de personnes et oui, c'est ça alors, oui. Mais moi, c'est un peu la même chose, puis je pense que c'est de vivre à travers la danse surtout et de voir comment ça peut toucher à tout le monde, puis on est beaucoup plus ouvert maintenant je dirais, puis le fait qu'on est ouvert à toutes les communautés et que tout le monde va avoir l'opportunité de danser, donc ça c'est mon rêve. C'est qu'il n'y a plus de barrières. Je vous le souhaite, je vous souhaite collectivement, oui. Merci. Oui, de concrétiser les plus grands rêves, les rêves les plus fous que vous avez en tête déjà et surtout ceux que vous ne connaissez pas encore. Oui, merci.