Je suis impatient.
J'ai une super histoire
à vous raconter aujourd'hui.
Je la trouve drôle,
je la trouve sympa,
mais je dois commencer par cette photo,
qui n'est pas un super moment.
Mais on ne va pas s'attarder dessus.
C'était moi il y a quatre ans,
lors d'un spectacle de vélo acrobatique.
J'étais un vététiste professionnel
âgé de 25 ans.
Mais cette photo...
Quelques instants après,
je suis tombé.
Et cette chute a provoqué
une lésion de ma moelle épinière,
ce qui a été désastreux pour ma carrière.
Mais je vais vous raconter la suite,
c'est drôle et sympa, n'est-ce pas ?
(Rires)
On va faire un saut d'une heure
après cette photo,
pour arriver au moment
où ça devient sympa.
On va passer les moments tendus
avec les ambulanciers
et la prise de conscience
de ce que ça pouvait signifier pour moi
et un trajet en hélicoptère très bruyant,
pour l'heure suivante,
où j'étais dans un de ces scanners IRM,
un de ces tunnels un peu étroits.
J'étais seul pour la première fois
depuis l'accident.
Et il y avait ces aimants
qui bourdonnaient autour de moi.
J'étais enfin dans un lieu
où je pouvais réfléchir.
Que se passe-t-il ?
Pour être honnête,
j'avais très mal
au niveau de mon abdomen.
J'étais un peu hypersensible,
et plus bas je ne sentais rien.
Je ne pouvais pas bouger,
et ça me faisait très peur.
J'ai dit que ce serait drôle
et sympa, non ?
(Rires)
Ça va devenir drôle et sympa.
Mais j'étais désemparé,
en toute honnêteté.
Je réfléchissais à toutes ces choses
auxquelles on s'imagine que quelqu'un
pense dans ce genre de situation.
Comment vais-je pouvoir travailler ?
Vous savez,
ne plus jamais pouvoir marcher.
Les fauteuils roulants.
Comment être un bon père ?
Comment être un bon mari ?
Toutes ces choses-là.
Mais je dois vous avouer quelque chose
que je n'ai dit qu'à très peu de gens.
Dans toute cette tourmente...
Je commence déjà un peu à sourire...
Sous toute cette tourmente,
il y avait une véritable excitation,
ce qui peut sembler bizarre,
mais laissez-moi vous expliquer.
Dans toute cette tourmente,
je réfléchissais à des scénarios,
comme, ça fait quoi
d'être en fauteuil roulant ?
Ça fait quoi de mesurer
1,20 mètre tout le temps ?
Ce genre de choses .
Mais mon cerveau de la compétition
commençait à se réveiller,
et je commençais à me dire
des choses comme :
« Qui est le meilleur
paraplégique du monde ? »
(Rires)
« Est-ce un homme ou une femme ? »
Ça doit être une personne assez géniale.
« C'est quoi le classement mondial
des paraplégiques ? »
« Comment faire partie
du top 100 des paraplégiques ? »
Je ne peux pas m'en empêcher,
c'est ainsi que je fonctionne.
J'étais excité, et j'ai su aussitôt,
même si c'était stupide,
que c'était une bonne façon de penser.
J'ai senti que c'était synonyme d'énergie,
de mouvement, que c'était positif.
Et depuis ce moment je suis resté
dans cet état d'esprit.
J'ai tenu bon.
Je savais que ce moment
était crucial pour moi,
et j'ai utilisé cette énergie
pour aller de l'avant dans ma vie.
Je vais vous dire
pourquoi j'étais si impatient.
Car...
Je fais du vélo depuis très longtemps,
et souvent une nouvelle idée me venait.
C'était souvent,
comme vous pouvez le voir,
une idée
qui n'était pas la plus judicieuse.
Des personnes tentaient bien
de me raisonner :
« C'est stupide, mec !
Tu pourrais te blesser ! »
Ou : « Tu pourrais te faire arrêter
pour pratique illégale sur des ponts ! »
Et des choses comme ça.
Cette excitation et cette énergie
que je ressentais dans le scanner,
m'a permis de faire taire
cette voix intérieure qui me disait
que je ne devrais pas, et d'oublier
ceux qui me disaient : « Ne le fais pas. »
J'utilisais cette énergie -
c'était un peu bête -
J'utilisais cette énergie pour agir.
Pour me rappeler que c'était important.
J'ai été hospitalisé
pendant cinq mois suite à l'accident.
Je suis resté alité pendant 12 semaines,
donc beaucoup de temps couché.
Aucun de nous n'a besoin de rester
allongé si longtemps.
J'ai dû battre le record parmi vous tous.
(Rires)
Quelqu'un ? Non, non.
Je détiens le record, c'est sûr.
J'ai consacré ce temps à ma rééducation,
à retrouver ma forme physique,
à m'habituer aux rudiments
de la vie en fauteuil roulant.
J'étais dans un service
avec beaucoup d'autres personnes
dans la même situation que moi,
et j'étais impressionné
par le courage de ces personnes.
Des gens comme vous et moi
dont la vie avait été chamboulée
de manière inattendue.
Et c'est incroyable de voir
la capacité de l'esprit humain
à surmonter ce bouleversement, à rebondir
et à progresser suite à un événement
qui peut être si dévastateur.
Je suis sorti de l'hôpital inspiré
par cette révélation et cette force.
Je suis donc sorti de cet hôpital
inspiré avec un mantra, si on veut.
Cela m'a beaucoup servi.
Du genre : « Si je suis paralysé,
autant que je sois très bon à ça. »
Autant que je donne
le meilleur de moi-même.
Faire partie de ce top 100,
voilà à quoi je pensais.
On a commencé avec la base,
comme par exemple avec l'escalator.
(Rires)
Ça a l'air d'être simple,
mais dans un fauteuil roulant,
c'est délicat, il faut s'entraîner.
Surtout lorsqu'on descend,
parce qu'il faut descendre
dans le même sens que pour monter.
Donc il y a ce moment où on se dit :
« Mon dieu, j'espère avoir raison. »
(Rires)
Puis l'agent de sécurité
te poursuit jusqu'en bas.
(Rires)
(Grosse voix)
« C'est interdit en fauteuil roulant. »
« Je ne suis pas un landau. »
(Rires)
Donc j'ai commencé par la base.
Mais comme je l'ai dit,
je voulais être le meilleur possible.
Et je pensais que le sport
me permettrait de trouver ma voie
et que mon expérience de vététiste
me serait utile.
Donc j'ai commencé mon enquête.
Quels sports pouvais-je tenter ?
Et j'ai essayé des tonnes de trucs,
du vélo à mains au tennis.
Avez-vous remarqué
que les joueurs de tennis en fauteuil,
ils doivent tenir la raquette
et pousser leur fauteuil roulant,
ce qui fait deux choses,
et ça, c'était impossible pour moi.
(Rires)
Je pouvais toucher la balle sur-le-champ.
Qu'ai-je essayé d'autre ?
J'ai tenté le basket.
Je n'étais pas doué pour lancer
le ballon avant mon accident,
et je ne suis pas devenu meilleur après.
Donc non.
(Rires)
Mais j'ai essayé la course en fauteuil,
ce que vous pouvez voir ici.
On peut voir ça aux Paralympiques,
lors d'une course sur une piste,
ou au marathon de Londres.
On voit ces types
et ils sont vraiment incroyables.
Et je me disais, je suis musclé
du haut du corps, grâce au VTT.
Je pensais trouver
ma place dans cette discipline.
Ce fut ma seule et unique
course en fauteuil roulant,
car il s'agit d'un 100 mètres.
Cette photo m'énerve, en fait.
Il s'agit d'un 100 mètres.
Je suis la personne avec le casque noir
avec la ligne rouge, en t-shirt bleu.
Je suis prêt au départ.
La fille, juste à côté,
avec le casque rose-violet,
et le fauteuil rose-violet assorti,
n'est-ce pas ?
Elle m'a battu. Elle a douze ans.
(Rires)
Ce n'est pas tout !
(Rires)
Elle m'a battu au bout de 60 mètres.
(Rires)
Le kayak alors ?
C'est un sport super cool !
(Rires)
J'adore cette photo.
J'ai navigué sur Internet
afin de trouver autre chose
après le désastre de la course,
et j'ai trouvé le kayak.
Ces bateaux sont incroyables.
Ils sont super longs,
très étroits et très rapides.
J'ai réussi à prendre contact
avec le coach de l'équipe britannique,
et il m'a demandé de venir faire un essai.
Du genre : « Viens essayer,
on a une place à pourvoir dans l'équipe. »
Pourquoi vous rigolez ?
(Rires)
Pour quelqu'un avec un handicap
comme le mien, je me dis : « C'est bon. »
J'ai donc fait trois heures de route,
très excité.
Avec ma femme Lisa, et mon fils Alfie,
pour qu'il voit son père être sélectionné.
Et j'ai fait du kayak
pour la première fois.
Quand je suis monté dans le bateau,
j'ai eu un moment de panique,
car, comme je l'ai dit,
c'est assez instable
et j'étais un peu inquiet.
J'ai dit à ma femme Lisa,
qui se tenait à côté de moi sur le quai :
« Tu sais,
j'ai un peu peur de ce bateau, ça a l'air
délicat de tenir en équilibre. »
Je m'apprête à mettre les voiles.
Et le coach me dit -
il tient l'avant du bateau,
au niveau du quai -
et il me dit : « T'en fais pas,
tu l'équilibres à l'aide de tes abdos. »
Et je pense :
« Ok, des informations se sont perdues
pendant nos échanges de mails »,
car je n'ai pas d'abdos.
(Rires)
Voilà pourquoi
je suis en fauteuil roulant, non ?
Je ne sais pas
pourquoi il n'avait pas compris.
Il me pousse, d'accord ?
Je suis attaché grâce à une bande velcro,
ainsi tu ne peux pas tomber du bateau.
Je flotte un peu.
Ça commence à remuer,
et ça fait « bloup », de l'autre côté.
Et je suis assis dedans,
parfaitement assis, n'est-ce pas ?
Mais le fond de la rivière est là,
je suis à l'envers,
et je me disais : « Mon dieu,
il n'y a que de la vase et des poissons. »
(Rires)
J'essaie d'enlever la bande velcro
de ma taille pour sortir du bateau,
et j'arrive à émerger suffisamment
pour prendre l'air,
juste assez pour voir mon fils Alfie
me regarder en se disant « Papa se noie. »
(Rires)
Genre, c'est pas terrible.
Je suis de nouveau sous l'eau.
Je n'ai pas réussi à sortir du bateau,
parce que mes pieds
sont comme coincés à l'intérieur.
Donc je me débats pour en sortir,
il y a beaucoup d'éclaboussures,
et je surfe pas sur la vague du kayak
comme je le pensais.
(Rires)
C'est n'importe quoi, d'accord ?
Je me rapproche du bord,
je suis frigorifié et je me sens stupide.
On me sort hors de l'eau,
et je suis contrarié,
ca j'ai l'habitude du succès en sport.
C'est ce que j'ai toujours visé,
et ce n'était pas le cas ici.
On me remet dans le bateau.
Je dis : « Remettez-moi dans ce bateau,
car je peux le faire. »
Ils me remettent dedans, je flotte,
vous devinez la suite, « boum ».
(Rires)
C'était épouvantable.
J'émerge de l'eau de nouveau,
encore plus frigorifié.
Et j'ai honte d'admettre maintenant
qu'il m'a fallu quatre autres tentatives
pour me dire : « Le kayak, non merci. »
(Rires)
Le kayak,
ce n'est pas pour moi, d'accord ?
Je sors de l'eau
et je me sentais si humilié.
J'avais fait trois heures de route
pour arriver là,
avec beaucoup d'ambition en tête
et d'excitation.
Et je ne m'attendais pas à ça.
Ce fut un trajet très silencieux
jusqu'à la maison,
mais à mi-chemin, mon fils se mit à rire
à l'arrière de la voiture.
Je lui ai dit : « Pourquoi tu ris ? »
Et il a dit : « As-tu remarqué
le café à côté du quai,
où les gens s'étaient réfugiés,
face au froid, à boire des cafés ? »
Je lui ai dit : « Oui, oui. »
Et il m'a répondu :
« Imagine la scène pour ces gens-là. »
(Rires)
« Pourquoi remettent-ils
ce pauvre gars à l'eau ? »
(Rires)
« C'est clair qu'il n'y arrive pas. »
(Rires)
Épouvantable !
Des gens horribles, comme si je disais :
« Ne me remettez pas à l'eau. »
Et eux ils répondaient :
« Retourne dans le bateau ! »
Affreux !
Vous savez quoi ?
Depuis mon accident, je n'ai jamais pu
sortir le VTT de mon esprit.
Je cherchais où je pouvais
utiliser mes compétences,
mais je m'étais toujours dit
que le VTT resterait d'actualité.
Je ne savais pas trop comment,
mais je savais que je voulais continuer.
Le problème était
que personne n'en faisait,
personne de paralysé, je veux dire,
ne faisait du VTT sur deux roues.
Cela ne se faisait pas.
J'ai réfléchi à comment
je pouvais rendre ça possible,
et j'ai trouvé la réponse
en regardant les Paralympiques de Sochi.
Je ne sais pas si vous avez déjà vu
ces courses de handiski.
Ils ont un monoski,
et ils sont dans cette sorte
de siège en forme de seau
et ils descendent à toute vitesse
sur les montagnes enneigées,
avec des béquilles
ayant un petit ski au bout.
Je regardais ça, et je me disais,
« Pourquoi personne n'a pensé
à mettre un tel siège sur un VTT ? »
Voilà ce dont j'ai besoin : quelque chose
qui me maintient solidement sur le vélo,
et une fois que je suis lancé,
on est au top, ce sera génial.
Et j'ai commencé à poser des questions
à des gens dans l'industrie,
du genre : « Peut-on faire ça ? »
Certains m'ont dit :
« Oui, c'est possible. »
D'autres me disaient :
« Attends une minute,
tu as besoin d'une sorte
de pédale pour conserver ton élan,
et bien sûr ta stabilité
et tout ce qui s'ensuit. »
Arguments pertinents.
Et je pensais : « En fait, non,
tout ce dont j'ai besoin c'est une côte,
et ensuite, la gravité,
c'est de l'énergie gratuite. »
C'est trop beau pour ne pas y aller.
Ils m'ont aussi parlé du freinage.
Je me disais : « On y arrivera. »
Donc, me voilà,
un an et demi après mon accident,
de sortie au sommet de la montagne
avec mes amis.
De pouvoir faire du VTT avec mes amis,
ce fut un moment indescriptible.
Une fois que j'étais lancé,
c'était incroyable.
Ça a été incroyable, cette expérience
que j'ai pu partager avec mes amis.
Ça a été un travail d'équipe.
Et de pouvoir faire du VTT,
j'en ai eu mal aux joues pendant des jours
tellement j'ai souri.
Ce fut une expérience formidable,
et j'ai pu reprendre le VTT.
Cette vidéo
que nous avons posté sur Internet,
elle a fait des millions de vues sur
Youtube, Instagram et tout le reste.
Elle a fait tellement parler d'elle,
que mon téléphone -
Je recevais tellement de notifications,
que la sonnerie a arrêté de fonctionner.
Tellement de notifications,
mon téléphone a pété.
Donc je me dis,
des millions de vues, n'est-ce pas ?
« Je dois bien faire partie
du top 100 » , je pense.
« À mon avis, je pense que je fais partie
du top 100 des paraplégiques ».
(Rires)
Selon moi, ce qu'il faut retenir
de mon histoire, c'est que ...
ce moment dans le scanner IRM
a été crucial pour moi,
car qui aurait pu penser avant ce moment,
en me voyant avec cette blessure,
que m'attendaient
certains de mes plus beaux jours en VTT.
Ça n'a pas marqué
la fin de ma carrière, juste un tournant.
Et j'ai parcouru
le monde depuis mon accident.
J'ai fait du VTT
lors d'événements internationaux.
J'ai fait du VTT dans des lieux iconiques
où je n'aurais jamais pensé aller un jour,
et j'ai vécu des expériences
incroyables sur mon vélo.
Je ne pense pas que beaucoup croyaient
qu'un tel avenir fut possible pour moi.
Mais il y a un message important
à retenir ici.
C'est cette excitation et cette énergie
qui ont rendu tout cela possible,
parce que c'est la passion,
et vous savez,
quand on est passionné par quelque chose,
on veut aller jusqu'au bout.
Quand on est passionné par des choses
que l'on veut accomplir,
et les décisions à prendre pour y arriver.
Il est très facile
de se trouver des excuses,
de trouver des raisons, de se mettre
des barrières en raison de son handicap.
Mais quand la passion est là,
que l'excitation est là,
que vous les laissez prendre le dessus,
les laissez vous guider,
vous pouvez créer un chemin
à travers tous ces obstacles.
Vous pouvez accomplir de grandes choses,
et c'est ce que je vous souhaite.
Merci beaucoup.
(Applaudissements)
(Acclamations)