Les seins. (Rires) Les nénés. La poitrine. Parfois ce sont des amis, parfois votre meilleur ennemi. Mais même quand ils vous agacent, vous leur donnez un soutien inconditionnel. (Rires) Et vous faites cela chaque jour de votre vie en vous enserrant dans un vêtement appelé « le soutien-gorge ». Le soutien-gorge tel qu'on le connaît existe depuis cent ans et nous avons beaucoup d'exigences à son sujet. Il doit être joli, apporter un bon maintien. En fait, il doit nous ressembler beaucoup. Ce que nous attendons de notre soutien-gorge est une métaphore de ce que le monde attend de nous. Et puisque l'idée que nous avons de nous même a beaucoup changé en cent ans, Nos soutiens-gorge ne devraient-ils pas changer aussi ? Étant la seule titulaire d'un diplôme en conception de lingerie en Amérique du Nord, j'ai longuement étudié les soutiens-gorge et je pense qu'ils sont bancals. 80 % des femmes portent la mauvaise taille de soutien-gorge, d'après une étude menée par Marks & Spencer, une enseigne britannique réputée pour le confort de ses soutiens-gorges. Une autre étude a révélé que 59 % des femmes ont des douleurs dorsales, aux épaules et à la nuque à cause de leur lingerie. La brassière de sport est-elle la solution miracle ? Hmm, pas tout à fait. 75 % des coureuses de marathon ressentent au moins un problème qui est source d'inconfort dans la forme de leur soutien-gorge. Alors vu l'ampleur stupéfiante des innovations au cours des cent dernières années, pourquoi nous attachons-nous toujours ce même engin jour après jour en appelant ça un soutien ? Le soutien-gorge est-il si extraordinaire qu'il justifie de n'avoir presque pas évolué en un siècle ? Non. Les fabricants de la plupart des vêtements, y compris les soutiens-gorge, savent qu'il est plus simple et plus rentable de conserver un status quo en continuant à fabriquer ce qu'ils ont toujours fabriqué, et en ne modifiant que la couleur ou les motifs. Ils ont habitué les consommateurs à ne pas s'attendre à une modernisation de ceux-ci, donc les consommateurs croient qu'une réelle innovation de ce que nous portons est impossible, et c'est ironique car pour tous les autres biens que nous achetons, même des bien qui ne concernent pas directement notre confort, nous attendons des fabricants qu'ils améliorent constamment leurs produits. Je ne vais pas acheter un nouveau portable car il vient de sortir en or rose mais parce que la technologie qu'il comporte est plus performante que celui que j'utilise actuellement. Les industriels nous persuadent que nous avons besoin des dernières innovations ; l'industrie textile veut nous faire croire qu'ils produisent le top du top. Ils misent sur notre complaisance. Bien sûr, les soutiens-gorge ont un peu évolué : ils sont en microfibres et en matières élastiques, les bretelles sont matelassées, les bonnets moulés, les ossatures revisitées. Donc Wouaw ! Regardez ce qu'ils sont devenus ! Mais voici à quoi ressemblait un soutien-gorge en 1930, [c. 1930] et ce à quoi ils ressemblent aujourd'hui. (Rires) [2018] Si vous trouviez ce soutien-gorge en rayon aujourd'hui vous vous diriez qu'il s'agit de la nouvelle collection. Facebook nous inonde des pubs de « soutiens-gorge révolutionnaires ». Mais c'est fondamentalement ce bon vieux même modèle. Et une chose m'inquiète : Non seulement les soutiens-gorge n'ont pas évolué et ne remplissent pas leur rôle, mais c'est cette même industrie qui nous a appris ce dont nous croyons avoir besoin, et qui nous a dupées. Alors voyons de plus près la conception du soutien-gorge et ses limites. Ceux et celles d'entre vous qui n'ont pas de soutien-gorge, j'imagine que vous en avez déjà croisé quelques-uns et que vous avez une bonne idée de ce que c'est. (Rires) Pourquoi portons-nous des soutiens-gorge ? On nous dit que nous sommes censées le faire. Les normes sociales et culturelles nous ont inculqué la honte de ne pas couvrir nos seins et conduit à penser que nous ne sommes plus séduisantes si nos seins tombent. Avec une grosse poitrine, c'est inconfortable de les sentir se balader. Peut-être portez-vous un soutien-gorge en pensant que ça les empêche de tomber ? Eh bien, vous savez quoi ? (Rires) Il n'existe absolument aucune preuve scientifique indiquant que le port du soutien-gorge empêche les seins de tomber. Aucune. Eh oui. Le terme technique pour cet affaissement est le ptosis, causé par des facteurs comme la taille des seins, la grossesse, le tabagisme, le vieillissement, la gravité. En fait, il existe deux études qui démontrent que le port du soutien-gorge accélérerait même le ptosis. Et bien que la question ne soit pas encore tranchée, Il est possible que la raison soit qu'un maintien artificiel affaiblisse les tissus qui maintiennent la poitrine. Les fabricants de soutiens-gorge le savent très bien. En 2000, le PDG du fabricant de soutiens-gorge Playtex, John Dixey, a été cité dans un documentaire britannique : « Aucune preuve médicale n'indique qu'ils empêchent l'affaissement des seins, car la poitrine en elle-même n'est pas un muscle. Il n'est donc pas possible qu'ils restent fermes ». On me demande parfois : « Et les seins alors, de ces femmes tribales qui vivent nues ? » Je ne vais pas vous montrer de photos de ces femmes, mais une simple recherche sur Google révèle que la diversité des formes de poitrine dans ces tribus correspond à celle observée dans le reste du monde : certains seins sont fermes, d'autres moins fermes. La seule différence étant, dans les cultures du soutien-gorge, que le ptosis est alors caché, et on n'en remarque pas l'ampleur dans ces cultures. Si vous portez un soutien-gorge en pensant qu'il empêchera les seins de tomber, vous le portez pour de mauvaises raisons. Je sais... Je me suis sentie trahie aussi. Mais d'après les preuves existantes, porter un soutien-gorge pour gagner en fermeté a à peu près autant de sens que de porter des talons en pensant que vous serez plus grande après les avoir enlevés. (Rires) Ok, les soutiens-gorges n'empêchent pas nos seins de tomber, mais au moins ils les maintiennent, non ? Et pour ce faire, quoi de mieux que les baleines ? Deux morceaux de métal glissés sous les seins. (Rires) On en vient à croire que seules les baleines peuvent bien maintenir, n'est-ce pas ? C'est faux. Les armatures n'ont pas été conçues pour maintenir mais pour donner une forme. Les baleines sont comme des élastiques à cheveux : Elles font tenir une grande masse dans une forme compacte et arrondie. (Rires) Voici deux soutiens-gorge sur la même femme : l'un avec des armatures, l'autre sans. Vous pouvez voir, celui sans baleines maintient bien mieux la poitrine. Bien que de nombreux soutiens-gorges à armatures prodiguent un réel maintien, l'armature à elle seule n'est pas à l'origine du maintien. En fait, le maintien est plutôt dû à la stabilité des ailes arrières, des bonnets et des bretelles. Voici une photo d'une femme des années 50 avec un soutien-gorge obus. (Rires) Ces soutiens-gorge n'avaient pas d'armatures. (Rires) Et ils étaient si appréciés qu'ils pouvaient rendre aveugle ! (Rires) Ce n'est sûrement pas la première fois que vous réalisez que ce qui est censé vous apporter du soutien, vous laisse tomber. (Rires) Sauf qu'à ce moment-là, vous avez probablement laissé tomber. (Rires) Peut-être aimez-vous la sensation d'une armature : Vous y êtes habituée et aimez la forme qu'il donne. Super ! Mais si vous détestez les armatures et si vous les portez uniquement en pensant que c'est nécessaire : arrêtez. Beaucoup de soutiens-gorge sans baleines maintiennent parfaitement. Comment en trouver un ? Cherchez des bonnets en tissu rigide non-élastique plutôt qu'en mousse. Pourquoi ? Pensez à votre posture dans un gros fauteuil mou et sur un banc d'église. Rien à voir, n'est-ce pas ? Vous vous enfoncez dans la mousse d'un coussin mais vous vous tenez droit sur une chaise en bois. Un tissu non-élastique est comme une chaise en bois et vous apportera un meilleur maintien. Évitez aussi les tissus élastiques sur l'avant du soutien-gorge et des bretelles. Si vous vous dites que ça n'a pas l'air très confortable, je vous assure qu'un maintien par un tissu rigide est en fait très confortable, bien plus qu'avec une armature ou une chaise d'église. Maintenant parlons un peu de la taille. On apprend aux femmes à s'identifier à une certaine taille, et d'ailleurs quand on change de taille, c'est contrariant. Vous avez toujours fait du 38 et maintenant vous faites du 42, cela vous fait quelque chose. C'est pareil quand vous passez d'un 44 à un 38. Il y a de fortes chances que vous vous soyez fixée une taille de soutien-gorge, surtout une taille de bonnet : « je ne fais que du A », « je fais un bon B », « je fais du D ». Cela fait sûrement naître des ressentis en vous. Peut-être vous sentez-vous différente ou honteuse. Je vais vous dire une chose : Les soutiens-gorge ne se mettent pas comme des jeans. Si vous faites du 40 en jean, vous savez qu'un 38 sera trop petit et un 42 trop grand. Une seule taille vous ira pour ce vêtement. Mais les soutiens-gorge ne sont pas comme les autres habits : Plusieurs tailles vous iront. Et je vous dis cela car vous avez probablement défini votre taille à tort en pensant que c'est comme ça, c'est votre taille, alors que c'est peut-être faux et que vous passez peut-être à côté d'un monde de confort et de maintien parfait. Prenons quatre tailles de soutien-gorge : 100B, 95C, 90D et 85E. Ce sont des tailles différentes, non ? [100B, 95C, 90D et 85E] Eh bien non. Ce sont les quatre même tailles. Ces tailles correspondent toutes à la même taille de poitrine. La seule différence étant la taille des ailes arrières. Vous vous dites que vous faites du D et qu'ensuite il suffit de mesurer votre tour de dos, non ? C'est faux ! le 100E, le 100D, le 100C et le 100B n'ont rien à voir. Ce n'est la même taille ni de poitrine, ni de tour de poitrine. Donc tout ce qu'on vous a dit toute votre vie, que les bonnets A sont toujours petits et que les bonnets D toujours gros, n'est pas vrai. Si je vous disais qu'on peut faire du A et d'avoir plus de poitrine qu'une femme qui porte du D ? ça semble bizarre mais c'est la vérité. Certains A - écoutez - font exactement la même taille que des D. Vous pensez que ce n'est pas possible, mais les tailles de soutien-gorge sont un vrai bazar et c'est pour ça que nous nous trompons si souvent. Tout comme les autres façons dont nous, les femmes, avons été étiquetées, ces tailles de bonnet sont une autre étiquette mensongère. Avez-vous récemment remis votre taille en question ? Avez-vous récemment remis en question un autre aspect de vous-même que vous pensiez être vrai mais qui ne l'était pas ? D'où viennent ces tailles si folles ? Genre, qui les a conçues de la sorte et pourquoi ? Les tailles américaines 32, 34 etc proviennent de tailles victoriennes. [Département patrons] Au départ, la taille du soutien-gorge correspondait à la taille de la chemise. La taille des habits devait normalement correspondre à celle de la poitrine : petite taille de vêtement pour petite taille de poitrine. Quand on remarqua que ce n'était pas toujours le cas, les bonnets ont été conçus en mesurant le surplus des tours de poitrines par rapport à la taille d'une chemise victorienne Mais il y a un soucis : 2 cm de plus qu'une taille 32 donne un bonnet B, et 2 cm de plus qu'un 38 donne aussi un bonnet B. Sont alors apparues de nombreuses tailles de bonnet B différentes, menant à un concept du nom de « taille jumelle », qui est toujours appliqué de nos jours. Donc toutes ces tailles qui semblent complètement différentes sont en fait les mêmes. En réalité, les fabricants produisent les mêmes formes encore et encore et encore, changent la taille de l'aile arrière et y étiquettent une taille différente. Or les bonnets sont identiques. Et tous ces bonnets qui ont l'air d'être tous les mêmes sont complètement différents. Au fil des années, les femmes ont oublié leur taille victorienne. (Rires) Un système basé sur la mesure du tour de thorax plus 4 ou 5 cm était employé pour déterminer la taille victorienne d'une femme. Pourquoi 80 % des femmes portent-elles la mauvaise taille de soutien-gorge ? Car la plupart des femmes n'ont aucune idée de ce que veulent dire ces valeurs. Le marché mondial du soutien-gorge vaut actuellement 20 milliards d'euros par an. Comme 80 % de ces achats ne sont pas de la bonne taille, cela signifie qu'environ 16 de ces 20 milliards d'euros sont dépensés pour un mauvais produit. Je ne vois aucune autre industrie pour laquelle 80 % des consommateurs sont insatisfaits et cela est tout à fait normal. Pourquoi cela est-il acceptable ? Si certaines femmes ont mal à cause de leur soutien-gorge, c'est parce qu'elles ne portent pas la bonne taille. C'est scandaleux ! Inventer un système permettant aux femmes de porter la bonne taille serait extrêmement simple. Il suffirait que toutes les tailles identiques soient identiques ! (Rires) Les femmes pensent déjà que les tailles fonctionnent ainsi. Remplacer le tour de poitrine par le tour de dos. Car, soyons honnêtes, à moins de vivre à Downton Abbey, qui connait sa taille victorienne ? (Rires) Comment savoir si vous portez la mauvaise taille ? Vu que le concept d'ajouter 4 ou 5 cm ne fonctionne pas très bien, de nombreuses femmes portent une bande trop grande et un bonnet trop petit. Tirez sur la bande élastique. Si vous passez la largeur de votre main, il est trop grand ou trop vieux. (Rires) Et je viens de perdre la moitié du public qui met ses mains sous sa chemise ! (Rires) En quoi est-il gênant d'avoir une aile arrière trop grande ? Car... accrochez-vous bien... La plupart du maintien vient de la bande et non des bretelles. En effet, si vos bretelles marquent votre peau, cela peut vouloir dire que la bande est trop grande et ne maintient rien. Et au fait, il n'est pas nécessaire que les bretelles soient réglées pareil. La plupart des gens ont une épaule plus haute que l'autre donc ce n'est pas grave si les réglages sont différents. La prochaine fois, essayez aussi vos tailles jumelles pour trouver celle qui va le mieux. Prenez un soutien-gorge qui vous va au plus large crochet. Un nouveau soutien-gorge s'accroche au plus large car en vieillissant il perd de son élasticité et vous pouvez le resserrer. Et s'il fête son anniversaire c'est qu'il est resté assez longtemps ! (Rires) Vous devriez changer vos soutiens-gorge chaque année. (Bruit d'explosion) (Rires) (Applaudissements) Je sais bien ! vous n'en revenez pas ! (Rires) Peu importe quand vous avez acheté votre soutien-gorge, il a au moins 100 ans de plus que ce que vous pensez. (Rires) Mais... certaines choses se bonifient avec le temps, comme le vin ou Monica Bellucci. (Rires) Mais pas les soutiens-gorge. Ce qui nous laisse à penser : à quelles autres vieilleries nous accrochons-nous ? Je vais vous dire une chose : Les soutiens-gorge nous trompent. Ils nous font croire depuis toujours que c'est ainsi, que ces sentiments d'inconfort et d'échec sont normaux, qu'on ne peut rien y faire. Les soutiens-gorge sont devenus une icone de status quo. Je ne dis pas que nous devrions brûler nos soutiens-gorges, mais que nous pouvons faire mieux que ça. Si on ne remet pas en question une chose aussi infime et habituelle que ce que nous enfilons dès le matin, comment pourrions-nous remettre le reste en question ? Le temps est venu de dire non au status quo et cela commence dès la poitrine. Car pendant trop longtemps, ce qui était censé nous pousser vers le haut nous a laissées tomber. (Rires) Merci. (Applaudissements)