Les statistiques sont convaincantes. Si bien que des personnes, organisations et pays, prennent d'importantes décisions en se fondant sur ces données. Mais il y a un problème. Toute statistique peut cacher quelque chose, qui peut complètement transformer les résultats. Par exemple, imaginez que vous deviez choisir entre deux hôpitaux pour une opération sur une personne âgée. Sur les 1000 derniers patients, de chaque hôpital, 900 ont survécu dans l'hôpital A, contre seulement 800 dans l'hôpital B. Il semble donc que l'hôpital A est le meilleur choix. Mais avant de décider, rappelez-vous que tous les patients n'arrivent pas à l'hôpital dans le même état de santé. Et si l'on sépare les 1000 derniers patients entre ceux arrivés en bonne santé et ceux arrivés en mauvaise santé, la situation diffère significativement. L'hôpital A ne comptait que 100 patients arrivés en mauvaise santé, dont 30 ont survécu. Mais l'hôpital B en comptait 400, et 210 purent être sauvés. Donc l'hôpital B est le meilleur choix pour les patients qui arrivent à l'hôpital en mauvaise santé, avec un taux de survie de 52,5 %. Et si la santé de votre parente est bonne quand elle arrive à l'hôpital ? Curieusement, l'hôpital B est toujours meilleur, avec un taux de survie de 98%. Comment l'hôpital A peut-il avoir un meilleur taux de survie global si l'hôpital B a de meilleurs taux de survie pour les patients en bonne et mauvaise santé ? C'est le paradoxe de Simpson ! Un même ensemble de données peut montrer des tendances opposées, selon la façon dont elles sont regroupées. Lorsque des données agrégées masquent une variable conditionnelle, parfois appelée variable cachée, ce facteur caché influence significativement les résultats. Ici, le facteur caché est la proportion relative des patients qui arrivent en bonne ou mauvaise santé. Le paradoxe de Simpson n'est pas qu'un scénario hypothétique. Il apparaît dans le monde réel, parfois dans des contextes importants. Une étude au Royaume-Uni semblait montrer que les fumeurs avaient un taux de survie plus élevé que les non-fumeurs sur une période de vingt ans. Mais répartir les participants par groupe d'âge a montré que les non-fumeurs étaient en moyenne plus âgés, et donc, plus susceptibles de décéder durant l'étude, justement parce qu'ils vivaient plus longtemps en général. Ici, les groupes d'âge sont la variable cachée, et sont essentiels pour interpréter les données. Dans un autre exemple, une étude sur la peine de mort en Floride semblait ne révéler aucune disparité raciale, entre accusés noirs et blancs, reconnus coupables d'assassinat. Mais, en répartissant selon la couleur des victimes, l'histoire était tout autre. Dans les deux cas, les accusés noirs étaient plus susceptibles d'être condamnés. Le taux de condamnation légèrement supérieur pour les accusés blancs était dû au fait que les cas avec des victimes blanches étaient plus susceptibles d'entraîner la peine de mort que les cas où la victime était noire. Et la plupart des meurtres avaient eu lieu entre des gens de même couleur. Alors, comment éviter de tomber dans ce paradoxe ? Malheureusement, il n'y a pas de réponse unique. Les données peuvent être regroupées et divisées de plein de façons, et les chiffres globaux peuvent parfois donner une image plus précise que des données divisées en catégories trompeuses ou arbitraires. Il faut étudier attentivement les situations décrites par les statistiques et se demander s'il peut y avoir des variables cachées. Faute de quoi, nous serions vulnérables aux tentatives de manipulation de personnes désirant utiliser ces données à des fins personnelles.