-
Oh, ça fait mal.
-
Qu'est-ce qu'il fait ?
-
Oh ! Putain de merde !
-
Monsieur ! Monsieur !
-
Ça va ?
-
En fait, qu'est-ce que vous faites là ?
-
Ça va...
-
Je vous croyais...
-
En fait, je faisais juste un nœud
-
avec une corde,
-
parce que.. voilà...
comment vous suivez
-
je prépare une animation
pour les enfants, une piñata
-
et comme la piñata fait à peu près
la taille de ma tête
-
voilà, je voudrais savoir si ça tenait.
-
mais a priori ça tient bon.
-
Donc, bon, je peux descendre ?
-
Oui.
-
Je ne voudrais pas m'en mêler
de ce qui me regarde pas, mais...
-
vous alliez faire une connerie.
-
Une connerie ? C'est vous qui le dites.
Moi, j'en peu plus, moi.
-
Ah, mais vous vouliez vraiment faire ça.
-
Ah, oui. Je voulais vraiment faire ça,
si vous croyez.
-
Sur une aire de jeu ?
-
Écoutez, je vis juste à côté.
-
Plutôt que de pourrir dans mon salon,
-
je me suis dit, je vais venir là.
-
comme ça, on n'en parle plus.
-
Mais que c'est tellement con
-
et c'est pas du tout approprié
comme endroit.
-
Mais ça va, j'ai fait ça comme ça.
-
J'ai envie que ça s'arrête.
-
Mais quand ?
-
J'abandonne.
-
Bon, on va s'asseoir. Allez.
-
Non, je veux pas m'asseoir.
-
Mais si, vous restez debout, mais venez.
-
Alors, d'accord.
-
Non, il faut pas...
-
Pourquoi abandonner ?
-
C'est quoi, votre problème ?
-
Bon, tout.
-
Je suis à bout.
-
J'en ai marre de tout,
je supporte plus rien.
-
J'ai envie que ça cesse.
-
Il n'y a pas mal, non ?
-
Vous pensez pas que c'est juste
une mauvaise phase.
-
Y a toujours un espoir
auquel se raccrocher.
-
Ou une cause à défendre.
-
Mais non, non, on est foutu,
-
voyons bien, quoi,
le monde court à sa perte.
-
l'espèce humaine massifié
ne ressemble pas
-
Moi, j'étouffe.
-
Mais quand le capitalisme organisé,
la montée du populisme, non,
-
J'y crois plus, c'est sans espoir.
-
On n'ira pas vers le mieux.
-
Partir maintenant,
franchement, c'est le moindre mal.
-
Car, vous ne pouvez pas...
-
vous dire au revoir, vous-même,
comme ça, quoi ?
-
Mais de quoi je me mêle ?
-
Si vous connaissiez pas ma vie,
vous ne savez qui je suis, moi.
-
J'ai plus un rond.
-
Je suis seul.
-
Puis, je m'appelle Ambroise.
-
Dans une démocratie, on a le droit
de mourir où on veut, quand on veut, non ?
-
Oui.
-
Mais avouez que, quand même,
-
c'est indécent.
-
Bon, je veux dire...
-
ça c'est un lieu de vie, ici.
-
Un lieu de vie, ici ?
-
Oui, il y a des enfants
qui viennent jouer ici tous les jours.
-
Mais moi je m'en fou
de ces connards de mioches.
-
Mais, si vous voulez pas pourrir
dans votre salon là,
-
vous pouvez le faire pour une cause.
-
Vous êtes végan ?
-
Quoi ?
-
Est-ce que vous êtes végan ?
-
Pourquoi vous me demandez ça ?
-
Non, c'est parce que, en fait,
c'est votre discours là, tout à l'heure,
-
"Le monde est une poubelle",
tout ça, qui m'y fait penser.
-
Moi, je suis végane en fait.
-
Et ça fait des années
que je milite pour la cause animale.
-
Oui, superbe, et alors ?
-
Vous vouliez mourir, non ?
-
Vous voulez vraiment finir ?
C'est sans appel ?
-
Oui... mais...
-
Je vous explique.
Moi, je suis végane, comme vous.
-
et, dans un moi,
-
avec plusieurs associations
et plein de militants,
-
on organise un cortège
dans une énorme manif.
-
Moi, dans un mois, je serais plus, oui.
-
Mais non, justement, justement.
-
En fait, pour cette manif
-
on prépare une action
coup de poing anti-barbecue.
-
D'accord, très bien,
je suis très content pour les animaux.
-
Quel est le rapport avec moi ?
-
Dans un mois, je ne serai pas là.
-
Laissez-moi finir ce que je vous explique,
-
Il ne faut pas rester là.
-
Et vous savez quoi ?
Je vous offre un café.
-
Ça va vous faire du bien.
-
Je n'aime pas le café.
-
Certainement ! Venez !
-
Allez ! Venez !
-
Et voilà.
-
Bien, merci.
-
Donc, alors,
-
alors, pendant cette manif anti-barbecue,
-
on a prévu — ça c'est un plan
un peu brutal —
-
on a prévu de brûler
des mannequins en plastique
-
sur un immense grille de cuisson,
genre symbole.
-
En fait, ce qu'on veut
-
c'est vraiment se démarquer
des autres associations
-
et protester contre ce putain
de chaine alimentaire.
-
"Vous brûlez des êtres vivants.
-
"Voyez donc ce que ça ferait
si c'était des humains."
-
Je pense que
ce que vous voulez de moi,
-
Vous croyez que me faire participer
à une manif,
-
ça me redonnera la foi en l'Humanté ?
-
Alors, vous vous trompez.
-
Non, non, non. Pas comme ça.
-
Les mannequins en plastique, ça pollue.
-
Alors, vous pouvez utiliser
des épouvantails... en paille.
-
D'accord, mais des épouvantails en paille
-
ça n'est pas si spectaculaire.
-
Alors que vous...
-
Moi ?
-
Bah, vous pouviez y participer.
-
Comment ?
-
En donnant votre vie à un grand cause.
-
Attendez...
-
Seulement, vous voulez que je m'immole,
-
comme ça, devant tout le monde?
-
C'est ça ?
-
Mais, pourquoi pas ?
-
Vous êtes sérieuse ?
-
Je ne veux pas m'immoler, je sais pas.
-
On se connaît à peine.
-
Mais, pourquoi pas ?
-
C'est juste une proposition
-
Attendez, Ambroise,
vous n'êtes pas bien.
-
Vous n'en pouvez plus de ce monde.
-
Vous êtes végan.
-
Je ne sais pas.
-
Ce n'est pas quand même si absurde
de vous demander ça,
-
mourir pour une juste cause.
-
Dans le fond, non.
-
Mais c'est comme ça,
et puis, surtout...
-
Non, attendez,
-
plutôt que de mourir
stupidement comme un con,
-
tout seul dans votre coin,
-
vous pourriez tendre une dernière fois
votre majeure face à la société pourrie.
-
Voilà c'est tout.
-
Avec un acte aussi fort,
-
vous pouvez entrer dans l'Histoire.
-
Mais, si je le fais, votre truc,
concrètement ça se passe comment ?
-
Vous m'a mis de l'essence ?
-
Et puis, j'allume une allumette,
je m'embrase,
-
on prend une photo ?
-
On fait ça où, comment, quoi...
-
Il faut que vous signiez une dérogation
-
Vous serez avec nous
dans le cortège.
-
C'est hyperpuissant, comme image.
-
Vous êtes là, le cortège avance
-
avec des caméras, les gens.
-
Et à un moment donné,
on vous asperge d'essence,
-
et là, tout nu, vous vous jetez
dans le brasier du grill.
-
en criant des cris d'animaux
comme quand ils souffrent.
-
Qu'on vous jette de la sauce barbecue.
-
Et là, il y a tout le monde
autour de vous, qui scande :
-
"Griller des bovins c'est malsain !"
-
"Carboniser des porcs c'est la mort !"
-
"Stop au brasier ! Stop au brazier !"
-
"Mort aux. viandes ! Mort aux viandes !"
-
Bon...
-
Mais...
-
pardon,... mais ça me fait hyper mal.
-
Moi, je ne veux partir, comme ça,
-
pas mourir à petit feu,
c'est quand même long ?
-
C'est ça que je dis.
-
Je ne sais pas,
je ne peux pas vous dire.
-
je me suis jamais immolée
-
Mais, sur un barbecue,
le temps de cuisson,
-
n'est que deux, trois minutes.
-
Ambroise, à l'échelle d'une vie,
c'est rien.
-
Non... Oubliez. Je peux pas faire le truc.
-
Faites oublier, parce que moi,
moi, j'ai pas les couilles,
-
Attendez. Vous êtes certain ?
-
Ça vaut pas un tout petit le coup
ça de prendre son courage à mains
-
pour le symbol ?
-
Pour les animaux ? Pour la planète ?
-
Pour la vie ?
-
Moi, je suis sûr,
en fait j'ai peur d'avoir mal.
-
Et puis, pour être tout à fait sincère,
-
j'avais fait une croix sur la planète,
les animaux, la vie, tout enfin,
-
Moi, j'ai prévu de mourir tranquille
-
déposé ans mon coin.
-
D'accord.
-
Donc là, vous allez
vraiment pas changer d'avis ?
-
Vous avez envie de mourir à votre façon
-
en bon français moyen,
-
Oui! Je ne suis pas
très preneur d'immolation
-
à vrai dire, pour une raison simple:
-
c'est que, en fait, moi
je suis pas très à l'aise
-
tout nu devant les gens.
-
Voilà. Je ne vais pas le faire.
-
Je suis désolé, hein ?
-
Non! OK. OK.
-
Moi j'aimerais vous aider, c'est tout.
-
Mais après, vous avez raison
-
Vous êtes libre de mourir
exactement comme bon vous semble.
-
On est en démocratie, après tout.
-
Ouais !
-
C'est important, la démocratie.
-
Ah, bon.
-
Merci, quand même.
-
Ah, non, je vous en prie.
-
Je vais quand même vous laisser
mon numéro de téléphone
-
au cas de vous changiez d'avis.
-
Oui, d'accord.
-
Vous allez faire quoi, maintenant ?
-
Je vais faire quoi ?
Je vais faire quoi ?
-
Je sais pas.
-
Vous avez foutu un sacré trou
dans ma vie, donc...
-
Ça, pour m'organiser, c'est pas simple.
-
Repensez-y quand même.
-
au cas ou vous changerez d'avis.
-
Bon, salut !
-
Salut !
-
Beau courage !
-
Et bonne mort !
-
Oui, merci.