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Un autre monde en d'autres mots | Noémie de Lattre | TEDxUniGeneva

  • 0:15 - 0:16
    Bonsoir.
  • 0:17 - 0:19
    Je m'appelle Noémie de Lattre.
  • 0:19 - 0:21
    Je suis française.
  • 0:21 - 0:25
    Je le précise parce que je vais beaucoup
    vous parler de ma langue ce soir.
  • 0:25 - 0:27
    Et je suis actrice.
  • 0:28 - 0:31
    Voilà. Bon alors en fait,
    je suis aussi autrice
  • 0:31 - 0:34
    et metteuse en scène
    mais je n'ai pas pu l'écrire.
  • 0:34 - 0:37
    Ben non, mon correcteur
    orthographique refuse.
  • 0:37 - 0:39
    Il le souligne en rouge.
  • 0:40 - 0:41
    Si si.
  • 0:43 - 0:44
    Voilà.
  • 0:44 - 0:46
    Enfin, non, d'ailleurs.
  • 0:46 - 0:49
    Pour être honnête, il a commencé
    par me proposer un remplacement :
  • 0:49 - 0:51
    autruche et menteuse en scène.
  • 0:51 - 0:53
    (Rires)
  • 0:53 - 0:54
    Je vous jure que c'est vrai.
  • 0:54 - 0:57
    Vraiment. Noémie de Lattre,
    autruche et menteuse en scène.
  • 0:57 - 0:59
    J'adore ma vie. (Rires)
  • 1:00 - 1:01
    C'est fou quand même.
  • 1:01 - 1:04
    Comme j'ai eu l'outrecuidance d'insister -
  • 1:04 - 1:07
    non, pardon, je ne suis
    ni une autruche ni une menteuse -
  • 1:07 - 1:10
    eh bien, il me l'a souligné
    en rouge avec mépris,
  • 1:10 - 1:13
    comme pour bien me signifier que
    je ne serais jamais légitime
  • 1:13 - 1:15
    dans ces beaux métiers d'hommes.
  • 1:15 - 1:19
    Ce n'est pas évident d'être quelque chose
    qu'on ne peut même pas nommer, vous voyez.
  • 1:19 - 1:21
    Ça, ça n'aide pas (Rit).
  • 1:22 - 1:24
    Vous me direz : ce n'est pas grave,
  • 1:24 - 1:27
    j'ai quand même réussi à en faire
    mon métier, c'est le principal.
  • 1:27 - 1:29
    J'ai réussi à vaincre la machine.
  • 1:29 - 1:31
    Je suis une...
  • 1:32 - 1:34
    vainqueuse ?
  • 1:35 - 1:36
    Vainquante ?
  • 1:36 - 1:38
    Vainqueresse ?
  • 1:38 - 1:41
    Ah ! Tiens, c'est marrant.
  • 1:41 - 1:44
    Aucun de ces mots n'est
    accepté par mon correcteur.
  • 1:44 - 1:49
    D'accord, donc en français,
    « vainqueur » n'existe pas au féminin.
  • 1:50 - 1:55
    Ben merde, ça prédestine un peu
    à l'échec quand même, non ?
  • 1:55 - 1:56
    Je ne sais pas.
  • 1:56 - 1:59
    C'est comme « le masculin
    l'emporte sur le féminin ».
  • 1:59 - 2:01
    Cette règle de grammaire
  • 2:01 - 2:04
    qu'on rabâche à tous les enfants de France
    depuis des décennies.
  • 2:04 - 2:07
    Le masculin l'emporte sur le féminin.
  • 2:07 - 2:08
    Ce n'est pas rien quand même.
  • 2:08 - 2:11
    Je veux dire, quand on prête attention
    à cette expression -
  • 2:11 - 2:14
    Moi, quand j'étais petite fille
    et qu'on me répétait ça,
  • 2:14 - 2:19
    ce que j'entendais, c'est : « Ma chérie,
    le masculin est plus fort que toi. »
  • 2:19 - 2:21
    Il a le pouvoir sur toi,
  • 2:21 - 2:23
    il a le droit de t'emporter,
  • 2:23 - 2:25
    et tu as perdu d'avance.
  • 2:26 - 2:29
    Ce ne sont pas les conditions
    optimales pour s'épanouir.
  • 2:29 - 2:32
    Et c'est valable dans toutes les langues.
  • 2:32 - 2:35
    Mais ce qui est vraiment crucial,
    ce n'est pas ça.
  • 2:35 - 2:37
    C'est que la plupart
    d'entre nous pensent :
  • 2:37 - 2:40
    « C'est comme ça. Que veux-tu ?
  • 2:40 - 2:42
    La langue a été construite comme ça.
  • 2:42 - 2:45
    On dit un tabouret et une chaise, c'est
    tout. Qu'est-ce que tu vas chercher ? »
  • 2:45 - 2:47
    Sauf que pas du tout.
  • 2:47 - 2:50
    Les particularités grammaticales
    que je viens de vous citer
  • 2:50 - 2:52
    ne doivent rien au hasard.
  • 2:52 - 2:54
    Elles doivent tout au sexisme.
  • 2:54 - 2:57
    Si le masculin l'emporte
    sur le féminin en français,
  • 2:57 - 2:58
    ce n'est pas comme ça, non,
  • 2:58 - 3:01
    c'est parce que de gros
    machos phallocrates
  • 3:01 - 3:05
    en ont pris la décision au 17ème siècle
  • 3:05 - 3:09
    au motif que le genre masculin
    est réputé plus noble que le féminin,
  • 3:09 - 3:13
    parce que le mâle
    est supérieur à la femelle.
  • 3:14 - 3:16
    Bien sûr ! (Rit)
  • 3:16 - 3:22
    Donc ici, la langue reflète
    le sexisme de l'époque et l'enracine.
  • 3:22 - 3:26
    Ce qui nous donne quand même droit
    à des phrases du type :
  • 3:26 - 3:27
    « Cent femmes sont belles »,
  • 3:27 - 3:31
    mais « Cent femmes
    et un caniche sont beaux ».
  • 3:31 - 3:33
    (Rires)
  • 3:33 - 3:34
    Voilà.
  • 3:34 - 3:37
    Ce qui personnellement me fait
    un petit peu mal aux seins.
  • 3:37 - 3:39
    (Rires)
  • 3:39 - 3:42
    Et si je ne peux pas nommer
    mon métier aujourd'hui,
  • 3:42 - 3:45
    ce n'est pas parce que le mot n'existe pas
    et qu'on refuse de l'inventer.
  • 3:45 - 3:46
    Non.
  • 3:46 - 3:50
    C'est parce qu'il a été délibérément
    supprimé des dictionnaires
  • 3:50 - 3:52
    au 18ème siècle,
  • 3:52 - 3:55
    ainsi qu'écrivaine et auteuse d'ailleurs,
  • 3:55 - 4:00
    au motif que ce sont des féminins
    qui écorchent absolument les oreilles.
  • 4:00 - 4:03
    Brrrrr.
  • 4:03 - 4:07
    Donc, évidemment non, la vérité n'a
    rien à voir avec la sonorité des mots.
  • 4:07 - 4:11
    Ça se saurait si les langues
    se construisaient pour faire joli.
  • 4:11 - 4:15
    Non, évidemment la vraie raison
    à la suppression des féminins
  • 4:15 - 4:19
    des métiers d'art, de pensée,
    de pouvoir ou de politique,
  • 4:19 - 4:23
    c'est que la possibilité de
    l'émancipation des femmes
  • 4:23 - 4:26
    faisait tellement flipper les mecs,
    qu'au moment où elles ont commencé
  • 4:26 - 4:29
    à demander le droit de vote
    à la révolution, les Françaises,
  • 4:29 - 4:31
    ils se sont dit : « Il faut réagir là.
  • 4:31 - 4:34
    Il ne manquerait plus qu'après avoir perdu
    un œil sur les barricades,
  • 4:34 - 4:36
    elles accèdent au droit de vote.
  • 4:36 - 4:38
    Ça serait quand même
    un petit peu trop facile. »
  • 4:38 - 4:42
    Ici le sexisme crée la langue
    pour l'enraciner.
  • 4:42 - 4:45
    Et la preuve que tout ceci
    ne doit rien au hasard
  • 4:45 - 4:48
    mais est bien une volonté
    d'entraver les femmes,
  • 4:48 - 4:51
    c'est que les féminins comme
    boulangère ou couturière
  • 4:51 - 4:53
    qui ne représentent pas
    une menace imminente
  • 4:53 - 4:56
    pour l'ordre établi et le patriarcat,
  • 4:56 - 4:58
    ont été acceptés sans problèmes.
  • 4:58 - 5:00
    Oui, crémiers, crémières ;
    bouchers, bouchères.
  • 5:00 - 5:02
    Éclatez-vous les filles,
    il n'y a pas de problèmes.
  • 5:02 - 5:03
    (Rires)
    Tranquilles.
  • 5:03 - 5:08
    En revanche, on a méticuleusement
    éradiqué de tous les dictionnaires
  • 5:08 - 5:12
    les féminins de métiers ou de fonctions
    pouvant être des outils d'émancipation.
  • 5:12 - 5:17
    Ainsi, poétesse et philosophesse
    par exemple, sont passées à la trappe.
  • 5:17 - 5:20
    Alors attention,
    qu'on ne me parle de sonorité
  • 5:20 - 5:22
    parce que Duchesse et Comtesse,
  • 5:22 - 5:24
    des meufs en robe à la solde
    de leurs maris,
  • 5:24 - 5:25
    ça n'a gêné personne.
  • 5:26 - 5:28
    Et là où c'est vraiment fantastique,
  • 5:28 - 5:32
    c'est que directeur d'école
    a donné directrice d'école,
  • 5:32 - 5:34
    maître d'école a donné maîtresse d'école :
  • 5:34 - 5:36
    personne n'y a rien trouvé à redire.
  • 5:36 - 5:39
    En revanche, aujourd'hui encore en France,
  • 5:39 - 5:43
    on n'a pas le droit de dire, ça n'est pas
    accepté par l'Académie Française,
  • 5:43 - 5:45
    maîtresse de conférences,
  • 5:45 - 5:48
    directrice de recherche ou
    directrice de thèse.
  • 5:49 - 5:51
    Ce qui est quand même assez marrant.
  • 5:51 - 5:54
    Et je ne parle pas des métiers comme
    médecin, avocat ou professeur
  • 5:54 - 5:56
    qui n'existent carrément pas au féminin.
  • 5:56 - 6:00
    En gros, tant que tu t'adresses à
    des enfants pour un salaire de misère,
  • 6:00 - 6:01
    il n'y a pas de problème,
  • 6:01 - 6:03
    mais si tu veux t'adresser
    à des adultes, experts,
  • 6:03 - 6:07
    pour une somme un petit peu plus
    rondelette, il en est hors de question.
  • 6:07 - 6:09
    Donc, ce que je veux dire c'est que,
  • 6:09 - 6:11
    je ne sais pas si vous avez suivi
    cette actualité en France,
  • 6:11 - 6:14
    mais on a récemment remercié
    l'Académie Française
  • 6:14 - 6:19
    de ne pas s'être opposée à la
    féminisation des titres et métiers (Rit),
  • 6:19 - 6:22
    comme s'il s'agissait
    de transformer la langue
  • 6:22 - 6:26
    à cause de quelques harpies hystériques
    sous un effet de mode.
  • 6:26 - 6:28
    J'ai un petit peu ricané. Voilà.
  • 6:28 - 6:31
    Parce qu'on voit bien qu'il ne s'agit
    en aucun cas de féminiser la langue,
  • 6:32 - 6:35
    mais juste de la démasculiniser.
  • 6:35 - 6:38
    Voilà, la langue Française
    comme bien d'autres
  • 6:38 - 6:39
    n'est pas sexiste par hasard,
  • 6:39 - 6:42
    elle est sexiste par choix.
  • 6:42 - 6:44
    Sexisme que nous subissons
    encore aujourd'hui.
  • 6:44 - 6:48
    Car il est évident qu'il y a un lien
    entre le fait qu'on ne puisse pas trouver
  • 6:48 - 6:51
    le mot chirurgienne dans le dictionnaire
    de l'Académie
  • 6:51 - 6:56
    et le fait que tous et toutes comme ça
    spontanément, par défaut, sans réfléchir,
  • 6:56 - 7:00
    pensant que c'est naturel, on va dire,
    tiens, un chirurgien, une infirmière.
  • 7:01 - 7:03
    (Rires)
  • 7:03 - 7:05
    Un président, une secrétaire.
  • 7:05 - 7:07
    Un directeur, une assistante.
  • 7:07 - 7:10
    Un séducteur, une salope.
  • 7:10 - 7:11
    (Rires)
  • 7:11 - 7:13
    Et oui ! Alors il y a quand même
    des perspectives
  • 7:13 - 7:16
    un petit peu plus brillantes que d'autres.
    Voilà.
  • 7:16 - 7:18
    Tant et si bien qu'on a fini par admettre
  • 7:18 - 7:22
    que tout ce qui était du ressort
    du masculin était positif,
  • 7:22 - 7:24
    et tout ce qui était du ressort
    du féminin était négatif.
  • 7:24 - 7:28
    Masculin / féminin,
    c'est bien / ça craint,
  • 7:28 - 7:30
    grand / petit, fort / faible,
  • 7:30 - 7:33
    jouer comme un homme,
    jouer comme une femme etc...
  • 7:33 - 7:36
    Et là où c'est merveilleux, c'est que
    bien sûr si une femme joue bien,
  • 7:36 - 7:40
    on dira d'elle que c'est un garçon manqué,
  • 7:40 - 7:44
    et si un homme joue mal on dira de lui
    que c'est une gonzesse,
  • 7:44 - 7:46
    ou un pédé bien sûr.
  • 7:47 - 7:50
    Et ça pour le coup c'est universel
    aux quatre coins du globe.
  • 7:50 - 7:53
    Alors j'ai un petit exemple
    assez marrant en Allemand si vous voulez,
  • 7:53 - 7:55
    où il y en opposition deux adjectifs
  • 7:55 - 7:57
    d'un côté « dämlich »
    qui vient de « dame », une dame,
  • 7:57 - 8:00
    et qui veut dire abrutis, idiot, imbécile.
  • 8:00 - 8:03
    Bon ben déjà merci, ça fait plaisir.
    Voilà.
  • 8:03 - 8:06
    Et surtout qu'en face on a « herrlich »
    qui vient de « herr », monsieur,
  • 8:06 - 8:09
    et qui veut dire magnifique,
    brillant, génial.
  • 8:09 - 8:10
    (Rires)
  • 8:10 - 8:12
    Est-ce que ce n'est pas formidable ?
  • 8:12 - 8:15
    Et alors là où on touche carrément
    au miracle,
  • 8:16 - 8:19
    c'est dans les cas où on peut utiliser
    aussi bien le féminin que le masculin,
  • 8:20 - 8:24
    et où ça change de sens
    en fonction du genre.
  • 8:24 - 8:25
    Ça j'adore, c'est mes préférés.
  • 8:25 - 8:28
    Exemple: un entraineur, une entraineuse.
  • 8:28 - 8:33
    Le premier étant un coach sportif
    et la deuxième une pute.
  • 8:33 - 8:34
    (Rires)
  • 8:34 - 8:36
    Voilà. Courtisan, courtisane.
  • 8:36 - 8:41
    Le premier étant un proche du roi
    et la deuxième une pute.
  • 8:41 - 8:42
    (Rires)
  • 8:42 - 8:45
    Péripatéticien, péripatéticienne.
  • 8:45 - 8:48
    Le premier étant un philosophe
    disciple d'Aristote
  • 8:48 - 8:49
    et la deuxième ?
  • 8:49 - 8:50
    Public : Une pute !
  • 8:50 - 8:51
    Merci. Voilà.
  • 8:52 - 8:55
    « Pute » d'ailleurs, petite parenthèse,
    qui est un nom merveilleux
  • 8:55 - 8:59
    parce que c'est vraiment un mot magique.
    Je ne sais pas si vous avez remarqué
  • 8:59 - 9:03
    mais quand on veut insulter
    une femme gravement,
  • 9:03 - 9:04
    on la traitre de « pute ».
  • 9:04 - 9:08
    Et quand on veut insulter
    un homme gravement,
  • 9:08 - 9:11
    on le traite de « fils de pute ».
  • 9:11 - 9:12
    (Rires)
  • 9:13 - 9:16
    Voilà. Est-ce que ça ne serait pas ça
    la double peine ?
  • 9:18 - 9:21
    C'est-à-dire qu' y a un moment ce sont
    toujours les femmes qui prennent.
  • 9:22 - 9:26
    Ceci dit, c'est normal puisque les femmes
    valent moins que les hommes.
  • 9:26 - 9:29
    Eh bien, ce n'est pas moi qui le dis,
    c'est ma langue.
  • 9:29 - 9:31
    Et le pouvoir d'une langue
    est sans limite.
  • 9:31 - 9:34
    Je ne sais pas si vous savez
    par exemple mais en France,
  • 9:34 - 9:36
    on nous a quand même vendu
    pendant des décennies
  • 9:36 - 9:41
    un suffrage universel où les femmes
    n'avaient pas le droit de vote.
  • 9:42 - 9:44
    Et ça ne gênait personne.
  • 9:44 - 9:47
    « Oui ! C'est le suffrage universel !
    Ah non, pas toi en revanche,
  • 9:47 - 9:51
    ni toi, ni toi, ni toi, ni toi, ni toi,
    ni la moitié du pays en fait. »
  • 9:51 - 9:53
    Non mais c'est quand même fou !
  • 9:53 - 9:55
    Ceci dit en même temps,
    non, ce n'est pas fou, c'est normal
  • 9:55 - 9:59
    puisqu'on dit : les droits de l'Homme.
    Il y a un moment où il faut être cohérent.
  • 10:00 - 10:05
    Et alors à toutes celles qui me disent :
    « Ah, écoute oui, Noémie, c'est pénible !
  • 10:05 - 10:08
    On dit les Droits de l'Homme
    et pas les Droits humains
  • 10:08 - 10:10
    parce que Homme avec un grand H,
    ça veut dire humain.
  • 10:10 - 10:13
    Et tu sais que brrr... »
  • 10:13 - 10:16
    Je réponds : « Très bien, mais alors,
  • 10:16 - 10:18
    maintenant qu'il y a
    des droits des femmes,
  • 10:18 - 10:20
    ça veut dire quoi ?
  • 10:20 - 10:23
    Que les femmes ne sont pas des humains ? »
  • 10:23 - 10:27
    Et non ce n'est pas drôle, c'est chiant.
    Il y a comme un petit hiatus.
  • 10:28 - 10:30
    D'autant que, encore une fois,
    le mot « homme »
  • 10:30 - 10:33
    dans la Déclaration des Droits
    de l'Homme et du Citoyen,
  • 10:33 - 10:35
    ne doit rien au hasard
  • 10:35 - 10:40
    mais bien à une réelle volonté d'écarter
    juridiquement les femmes du droit de vote.
  • 10:40 - 10:45
    Pour la petite histoire, les rédacteurs
    de la Déclaration onusienne de 1949
  • 10:45 - 10:49
    voulaient mettre « Man Rights »
    et ce fut la seule femme présente,
  • 10:49 - 10:53
    Eleanor Roosevelt, qui se battit
    pour qu'on adopte « Human Rights »
  • 10:53 - 10:56
    afin couvrir également
    les droits des femmes.
  • 10:56 - 11:01
    Expression que la France traduit à
    tort par « Droits de l'Homme ».
  • 11:01 - 11:07
    Accordant fort généreusement, un jour
    par an, le 8 mars, aux droits des femmes.
  • 11:07 - 11:09
    Merci la France.
  • 11:09 - 11:13
    Ne faites pas les malins parce que
    ça, c'est valable dans toutes les langues.
  • 11:13 - 11:16
    Quasiment dans toutes les langues,
    les mots « homme » et « humain »
  • 11:16 - 11:18
    sont synonymes ou équivalents.
  • 11:18 - 11:22
    Laissant donc au mot « femme »
    et aux personnes qu'il désigne,
  • 11:22 - 11:25
    coucou, la place de l'autre.
  • 11:25 - 11:29
    Du subalterne, du pas humain. Voilà.
  • 11:29 - 11:33
    Et pour vous prouver à quel point
    nous pensons le sexisme
  • 11:33 - 11:35
    sans même s'en apercevoir,
  • 11:35 - 11:38
    j'ai un petit jeu à vous proposer,
    très marrant.
  • 11:38 - 11:41
    Il suffit de remplacer le mot « femme »
    par le mot « noir »
  • 11:41 - 11:43
    dans les expressions de tous les jours.
  • 11:43 - 11:46
    Je vous donne un petit exemple,
    vous allez voir, c'est super drôle.
  • 11:46 - 11:50
    Les femmes ne savent pas conduire.
    Qui n'a pas déjà dit ça ?
  • 11:51 - 11:53
    Les noirs ne savent pas conduire.
  • 11:54 - 11:56
    Hein, ça craque, ça ne passe pas pareil.
  • 11:57 - 11:59
    Un deuxième exemple juste pour le plaisir.
  • 12:01 - 12:05
    Les femmes sont moins fortes en maths
    que les hommes.
  • 12:05 - 12:06
    Tout le monde le sait.
  • 12:07 - 12:10
    Les noirs sont moins forts en maths
    que les blancs.
  • 12:10 - 12:13
    Ah la la, ça pique ! Hein ?
  • 12:14 - 12:16
    Alors, à vous maintenant :
  • 12:17 - 12:23
    Les femmes sont naturellement plus
    à l'aise avec le travail domestique.
  • 12:23 - 12:26
    (Rires)
  • 12:26 - 12:28
    On n'a pas envie de le dire, hein ?
  • 12:28 - 12:32
    Non, ne le dites pas c'est affreux, mais
    ça prouve bien qu'il y a un petit problème
  • 12:32 - 12:34
    parce qu'avec « femme »
    ça ne gêne personne.
  • 12:34 - 12:38
    Et puis alors j'imagine qu'on est très
    nombreux et nombreuses ici
  • 12:38 - 12:41
    à avoir déjà employé l'expression :
    « La journée de la femme ».
  • 12:41 - 12:42
    Alors moi je l'ai déjà fait en tout cas.
  • 12:42 - 12:45
    Vous imaginez si on disait :
    « La journée du noir » ?
  • 12:46 - 12:49
    La journée du noir, c'est cadeau,
    c'est pour moi.
  • 12:49 - 12:50
    (Rires)
  • 12:50 - 12:52
    Et en plus ce qui est formidable,
  • 12:52 - 12:55
    c'est que ça marche avec toutes
    les généralités, même positives.
  • 12:55 - 12:59
    C'est-à-dire que s'il est raciste de dire
    « les noirs ont le sens du rythme ».
  • 12:59 - 13:01
    Eh bien il est sexiste de dire :
  • 13:01 - 13:03
    « les femmes ont le sens
    de l'organisation ».
  • 13:03 - 13:05
    Voilà. C'est sexiste et c'est con !
  • 13:06 - 13:11
    Notre monde restera inique
    tant que nos mots le seront.
  • 13:11 - 13:12
    Parce qu'on pense avec des mots.
  • 13:12 - 13:15
    Une langue sexiste qui maltraite
    les femmes,
  • 13:15 - 13:17
    créera un monde sexiste
    qui maltraite les femmes.
  • 13:17 - 13:21
    Un monde machiste et violent où les femmes
    sont déconsidérées, déclassées,
  • 13:21 - 13:24
    sous-payées, maltraitées, violentées,
    sans espoir d'égalité.
  • 13:24 - 13:28
    Aujourd'hui, nous n'avons pas les outils
    pour changer le monde.
  • 13:29 - 13:32
    Parce que nous n'avons pas les mots
    pour le penser autrement :
  • 13:32 - 13:34
    égalitaire et juste.
  • 13:34 - 13:38
    Le combat pour l'égalité doit
    commencer par la langue.
  • 13:40 - 13:43
    Et comme le disait.. qui donc ?
  • 13:43 - 13:45
    Simone de Beauvoir.
  • 13:45 - 13:47
    Comme disait Simone de Beauvoir en 78
  • 13:47 - 13:50
    à propos de l'entrée du mot « sexisme »
    dans le dictionnaire,
  • 13:51 - 13:54
    on pensera peut-être que
    c'est une conquête mineure,
  • 13:54 - 13:55
    et on aura tort.
  • 13:55 - 14:00
    Car nommer, c'est dévoiler,
    et dévoiler, c'est déjà agir.
  • 14:00 - 14:02
    Donc, ce que je vous propose,
  • 14:02 - 14:05
    c'est que là, ici, maintenant, là tout de
    suite, on commence à changer le monde
  • 14:05 - 14:07
    en changeant les mots.
  • 14:07 - 14:09
    Et il y a plein de trucs
    super simples à faire.
  • 14:09 - 14:13
    Enfin en tout cas pour mes compatriotes.
    Et je suis sûre, dans d'autres langues.
  • 14:13 - 14:15
    On peut déjà commencer
    par employer des mots épicènes,
  • 14:15 - 14:18
    et des tournures inclusives,
    c'est-à-dire éviter par exemple :
  • 14:18 - 14:21
    « Salut les gars ! » ou « Salut à tous »
    en début de mail
  • 14:21 - 14:24
    quand il y a deux mecs sur 32
    destinataires. Par exemple.
  • 14:25 - 14:30
    On peut aussi militer pour remplacer
    « le masculin l'emporte »
  • 14:30 - 14:33
    par des règles d'accords qui ont été
    en usage pendant des siècles en France
  • 14:33 - 14:35
    avant que l'Académie ne s'en mêle,
  • 14:35 - 14:37
    comme la règle de majorité :
  • 14:37 - 14:40
    vous, mille femmes et un homme
    êtes belles.
  • 14:41 - 14:44
    Ou alors vous, mille hommes et une femme
    êtes beaux.
  • 14:44 - 14:47
    Non, mais simple, la majorité,
    le plus grand nombre l'emporte.
  • 14:47 - 14:50
    Ou alors comme la règle de proximité :
  • 14:50 - 14:54
    un homme et une femme sont belles,
    une femme et un homme sont beaux.
  • 14:55 - 14:58
    Voyez, le nom le plus proche de l'adjectif
    l'emporte.
  • 14:58 - 14:59
    Simple, basique.
  • 15:00 - 15:03
    On pourrait aussi évidemment militer
    pour l'emploi de l'expression
  • 15:03 - 15:05
    « Droits de la personne humaine »
    ou « Droits Humains »
  • 15:05 - 15:08
    comme au Québec francophone,
    plutôt que « Droits de l'Homme ».
  • 15:08 - 15:11
    S'il vous plaît, est-ce que j'ai une tête
    d'homme franchement ?
  • 15:11 - 15:15
    Vous auriez pu rire plus fort quand même,
    franchement je n'ai pas une tête d'homme !
  • 15:15 - 15:17
    Je plaisante. Non, mais c'est vrai.
  • 15:17 - 15:21
    On pourrait aussi, en France,
    je souhaiterais qu'on milite
  • 15:21 - 15:24
    pour une réforme de la devise
    républicaine française :
  • 15:24 - 15:27
    « Liberté, Égalité, Fraternité »,
  • 15:27 - 15:29
    qui exclut donc la moitié du pays.
  • 15:29 - 15:32
    Ben oui, « fraternité »
    ça vient de « frère »,
  • 15:32 - 15:33
    « sororité », ça vient de « sœur ».
  • 15:33 - 15:37
    Et le mot qui parle des frères
    et des sœurs, c'est « solidarité ».
  • 15:37 - 15:39
    Donc, moi je milite pour une devise
  • 15:39 - 15:42
    dont le troisième mot
    ne contredit pas le deuxième,
  • 15:42 - 15:45
    une devise inclusive,
    une devise juste et humaine :
  • 15:45 - 15:48
    « Liberté, Égalité, Solidarité ».
  • 15:48 - 15:52
    Et je suis sûre que ça serait un excellent
    point d'entrée pour sensibiliser
  • 15:52 - 15:56
    les jeunes et les enfants
    aux questions d'égalité.
  • 15:56 - 15:59
    Un autre monde en d'autres mots.
  • 15:59 - 16:01
    Je suis certaine qu'on peut y arriver.
  • 16:01 - 16:02
    Merci.
  • 16:02 - 16:05
    (Applaudissements).
Title:
Un autre monde en d'autres mots | Noémie de Lattre | TEDxUniGeneva
Description:

Comédienne, autrice, metteuse en scène, essayiste française, son ascension médiatique s’est confirmée sur les réseaux sociaux suite à la diffusion d’une vidéo traitant du féminisme et du sexisme. À une ère où le combat pour l’égalité des sexes est primordial, Noémie de Lattre viendra nous expliquer l’importance de la langue dans la lutte contre le sexisme.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
16:13

French subtitles

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